Le Boualem et le débat sur la dépénalisation des relations sexuelles hors mariage

Par Réda Allali

L’heure est grave, les amis. Ce sont deux projets de société qui s’affrontent, deux visions du monde qui s’opposent, le Maroc retient son souffle. Le Boualem est sur le front, mobilisé pour vous rapporter les détails du combat idéologique puissant qui secoue notre pays.

Le ministre de la Justice prévoit d’arrêter de persécuter les braves citoyens ayant le projet d’organiser des relations sexuelles hachakoum sans être mariés

Réda Allali

D’un côté, il y a notre ministre de la Justice, qui prépare une loi qui prévoit l’extension des libertés individuelles, une véritable révolution selon les gens qui y comprennent quelque chose. Il paraît que cet homme prévoit d’arrêter de persécuter les braves citoyens ayant le projet d’organiser des relations sexuelles hachakoum sans être mariés. Il estime que la loi n’a pas à s’immiscer dans les chambres à coucher des adultes consentants, et merci.

De l’autre, il y a notre ancien Chef du gouvernement, encore un peu barbu, qui explique que si une telle diablerie venait à être instaurée, c’est tout le pays qui sombrerait dans la débauche à vive allure. Il explique qu’il s’agit là d’une attaque insupportable à notre identité de pays musulman, que nous allons nous mettre à ressembler à l’Europe, que Dieu nous en préserve.

C’est une belle chose, un débat, surtout quand il touche un sujet aussi sensible que celui-là, voilà ce que s’est dit Zakaria Boualem. C’est presque émouvant de voir une nation se poser des questions cruciales, s’interroger sur son identité, ses lois, tâtonner sur son chemin vers les lumières de la sérénité.

Mais alors, comment se fait-il que le Guercifi n’arrive pas à prendre cette affaire au sérieux ? Pourquoi ne parvient-il pas à passer outre une puissante odeur de faux qui parfume généreusement ce débat sur nos soi-disant libertés individuelles ? Comment se fait-il qu’au moment précis où le pays s’attaque noblement à un des foyers d’hypocrisie les plus actifs, celui qu’il a lui-même pourfendu à de nombreuses reprises dans ces mêmes colonnes, il se montre sceptique, presque détaché ?

Certes, la réalité de sa vie sexuelle à lui l’a éloigné de ces préoccupations depuis fort longtemps, mais on connaît suffisamment le bonhomme pour savoir qu’il est assez lucide pour dépasser son cas personnel quand l’avenir de la nation est en jeu.

“Les  Marocains, ces malheureux, ont d’autres problèmes. Ils diront toujours ce qu’on attend d’eux, en gros, car tel est notre câblage collectif, tout en faisant ce qui les arrange, sans plus de formalités”

Réda Alalli

En réalité, son malaise provient du fait qu’il a la pénible impression d’assister à une pièce de théâtre, allez savoir pourquoi. Une sorte de happening où chacun fait ce qu’il a à faire, sans grande inspiration, devant un public un peu fatigué par la canicule. Les protestations épouvantées de notre héros de la morale sont ridicules, voilà ce que pense le Boualem : il appuie sur des boutons pour faire réagir les Marocains par réflexe, il fait juste son boulot sans grande inspiration. Le ministre, lui aussi, fait son boulot, on se demande d’ailleurs ce qui l’a poussé à aller dans cette direction et à se farcir depuis des mois les gémissements des héros exclusifs du sexe conjugal.

Et les Marocains, de leur côté, se fendent bien de quelques commentaires indignés pour mettre de l’ambiance, mais il ne faut pas compter sur eux pour s’investir outre mesure dans ce débat, car les malheureux ont d’autres problèmes. Ils diront toujours ce qu’on attend d’eux, en gros, car tel est notre câblage collectif, tout en faisant ce qui les arrange, sans plus de formalités. Le jour où on voudra élargir les libertés individuelles, on le fera, et tout le monde applaudira, voilà comment les grands changements s’opèrent chez nous. En attendant, il est inutile de s’égosiller, surtout par cette chaleur, et merci.