On s’était dit rendez-vous dans 20 ans

Par Fatym Layachi

En temps normal, tu n’es pas quelqu’un de nostalgique. Le passé ne te fait pas plus rêver que ça. Le passé est passé. Tu n’as pas de tendresse particulière pour les rétroviseurs. Tu ne fais pas partie de ces gens qui versent une petite larme à la moindre évocation de vieux souvenirs. Tu ne fais pas partie de ceux que les photos jaunies émeuvent. Non, toi le jauni tu trouves ça jauni.

Tu ne fais pas partie de ceux qui pensent que c’était mieux avant. Non, clairement, avant ce n’était pas mieux. Avant, il n’y avait pas d’iPhone, pas de Spotify. Il n’y avait pas d’antalgique. Avant on pouvait crever de la vérole ou du typhus. Avant, ton potentiel mari pouvait t’amener une coépouse ou te répudier sans que tu puisses y trouver à redire.

Et sans remonter le fil de la grande Histoire, il a quelque temps, tu étais ado et c’était pas glorieux. Entre les hormones qui foutent la pagaille, les boutons disgracieux, le petit cœur qui s’emballe et le regard des garçons qui change, c’était un peu la grande symphonie de la maladresse. Même si tu es toujours un peu mal à l’aise dans la vie. Même si aujourd’hui encore quand ton petit cœur bat plus fort, tes mains tremblent un peu. Même si les regards de certains garçons peuvent te troubler au point de te rendre très maladroite…

“Depuis quelques semaines, tu fais partie d’un groupe WhatsApp qui porte le nom de ton lycée et l’année de ta promo”

Fatym Layachi

Mais tu ne dis pas que c’était mieux avant. D’ailleurs, quand tu regardes des photos de toi, ado, tu ne peux que remercier le temps qui passe. C’était un carnage vestimentaire et capillaire. Les mélanges improbables de couleurs et les cheveux mousseux ne te manqueront jamais. Toi, a priori, pour rien au monde tu ne revivrais tes années lycée. Pourtant, depuis quelques semaines, tu fais partie d’un groupe WhatsApp qui porte le nom de ton lycée et l’année de ta promo. Bien évidemment, quand tu as reçu la notif’ te disant qu’untel t’avait ajoutée au groupe, tu as soupiré. Les groupes WhatsApp, ça te fait un peu soupirer par principe. Tu as mis un petit smiley cœur, histoire de… et puis tu as mis le groupe sur silencieux. Trois heures plus tard, il y avait 127 notifications.

Tu as poussé un long soupir. Des noms que tu ne reconnais pas, des blagues que tu ne cherches pas à comprendre. Tu ne sais pas ce que tu fais sur ce groupe. Tu ne sais pas ce que les gens s’y disent. Toi, tes potes du lycée, tu en as gardé certains. Il y a même dans tes proches un paquet de gens que tu connais depuis le collège. Mais ce groupe WhatsApp, tu y restes. Tu n’y écris rien, tu ne lis qu’un message sur trois, mais tu y restes.

Et puis, au bout de quelques jours, un des mecs propose d’organiser une soirée de retrouvailles. Tu trouves l’idée un peu incongrue. Zee te convainc d’y aller en te disant que si tu n’y vas pas, tu le regretteras. Et effectivement tu y as été et tu en es bien contente. Tu as débarqué dans un endroit avec des dizaines de visages familiers.

Tellement contente de revoir tous ces gens. Même ceux que tu n’aimais pas particulièrement, tu es ravie de les revoir. C’est bon de revoir ces visages de la cour de récré. Ils n’ont pas vraiment changé. Des cheveux grisonnants et quelques rides au coin des yeux. Quelques changements mais rien de fondamental. Les regards sont les mêmes. Et surtout les sourires.

Vous aviez tous un sourire sur les lèvres pendant toute la soirée. Il y avait un truc très doux. Un truc de l’ordre de la joie. Une joie très douce. La joie des retrouvailles. La joie de se remémorer des bons moments passés tous ensemble. La joie de se sentir léger, comme à 17 ans, mais en étant heureux d’avoir grandi. La joie de replonger dans cette période d’âge tendre. Et encore plus grande que cette nostalgie, il y a cette forte envie de se revoir, de se retrouver encore, de redevenir amis. De continuer à grandir ensemble. Et ça, pour le coup, c’est pas un truc passéiste, c’est une jolie promesse d’avenir.