Zakaria Boualem est tombé sur le nouveau rapport statistique sur la population marocaine, et il est de plus en plus clair que nous avons un problème. Ce qu’on soupçonnait depuis quelques années, hélas, se confirme : les Marocains enfantent de moins en moins.
La natalité est en chute libre, nous vieillissons collectivement, voilà où nous en sommes. Il fut un temps où ce genre d’information était une bonne nouvelle, accueillie par moult youyous et autres danses de joie. Car, dans les années 1960, nous étions si enthousiastes dans la multiplication de nous-mêmes que cela en devenait dangereux.
Nous avons changé d’époque et, désormais, c’est bien le manque d’entrain à se reproduire qui inquiète nos économistes. Il est inutile de faire appel à de brillants cerveaux pour analyser les causes profondes de cette panne de libido collective. Le prix du logement, celui de l’école, la manque de confiance, voilà ce qui, au moment de regagner le lit conjugal, retient les couples de se lancer dans des projets inconsidérés.
Il est important de signaler que le Marocain, dont la politesse et la patience sont légendaires, proteste très peu contre sa condition. Il se dit le plus souvent satisfait de son sort, hamdoullah, tout en cherchant un autre passeport, mais il ne faut pas trop lui en demander… Tout cela a déjà été dit.
“Le Boualem a a cherché un peu du côté des spécialistes les impacts positifs de cette natalité en berne. D’abord, il paraît que l’État va faire des économies : il aura moins de gosses à éduquer…”
Mais Zakaria Boualem n’est pas là pour gémir sur notre condition collective, surtout avec l’apparition des beaux jours. Il est là pour vous donner de bonnes nouvelles, et il a cherché un peu dans les paroles des spécialistes les impacts positifs de cette natalité en berne. La première, c’est qu’il paraît que l’État va faire des économies, tant mieux pour lui. Il aura moins de gosses à éduquer, voilà l’idée derrière cette affirmation audacieuse. C’est magnifique, nous n’allons bientôt plus rien leur coûter, c’est une perspective pleine de promesses.
Ce pays a vraiment de la chance d’être tombé sur des locataires aussi conciliants, il faut bien le dire de temps en temps. Car une bonne partie des enfants de ce pays, environ 15%, est déjà scolarisée dans le privé, sans rien demander au système que leurs parents financent. Entre ceux qui ont fui et ceux qui n’existent pas, nos écoles seront bientôt vides, ce qui règlera le problème de la darija ou du classique, du français ou de l’anglais et de la place de l’amazigh, avouez que ce n’est pas rien.
La seconde bonne nouvelle, c’est que ce chiffre offre une meilleure stabilité au pays, toujours selon les experts. Moins il y a de fous, plus on rit, voilà l’idée générale. Ce qui est parfaitement logique, puisqu’il est évident qu’une absence totale de population garantit la stabilité absolue.
“Vous n’êtes pas sans savoir que les penseurs français sont nombreux, sur leurs chaînes d’info en continu, à estimer que nous allons les diluer dans notre culture couscoussovore islamiste, les pauvres”
Toujours au rayon des bonnes nouvelles, cette fois pour les analystes des plateaux télé français : l’annulation du “grand remplacement”. Vous n’êtes pas sans savoir, chers lecteurs, que les penseurs français sont nombreux, sur leurs chaînes d’info en continu, à estimer que nous allons les diluer dans notre culture couscoussovore islamiste, les pauvres. Donc, c’est un peu dommage, car l’idée était séduisante, mais avec aussi peu de ressources humaines, il est fort possible que nous soyons incapables de nous grand-remplacer nous-mêmes.
Dans ces conditions, venir vous envahir est fort peu probable. Il va donc falloir trouver un autre sujet de débat, bon courage ! Je ne sais par quel mystère des algorithmes d’Internet la recherche effectuée sur la fécondité des Marocains a abouti à l’apparition, sur l’écran de Zakaria Boualem, d’une masse d’articles évoquant des rituels de sorcellerie qui font intervenir de la volaille, des cadavres et des choses impossibles à décrire ici. Ce qui est sûr, par contre, c’est qu’après avoir lu ces horreurs, on se demande s’il n’est pas mieux, finalement, d’être un peu moins nombreux…