Salut à vous, infatigables bâtisseurs du MarocModerne, vous avez une très bonne mine tbarkallah. Zakaria Boualem, cette semaine, a décidé de parler d’un sujet dont il ne connaît rien. Cette démarche, qui n’a rien d’exceptionnel chez nous, n’est pas le fruit d’une pulsion subite, loin de là.
Il s’agit au contraire du fruit d’une véritable réflexion, dont la source est une étonnante interview donnée par notre ministre de la Transition énergétique et du développement durable, une dame brillante au poste aussi noble que son intitulé est lourd. Elle nous a expliqué, donc, que “ceux qui lancent des débats incessants sur Samir et les hydrocarbures sont les ennemis du royaume”.
C’est malheureusement un réflexe, chez nos héros de la politique, de décider pour nous de quoi nous devrions deviser. Le second réflexe, encore plus regrettable, c’est d’accuser de traîtrise à la nation ceux dont les propos sont jugés irritants. C’est ainsi qu’au fil des années, la cohorte des ennemis de la nation s’est enrichie de gens très différents.
“Ceux qui lancent des débats incessants sur Samir et les hydrocarbures sont les ennemis du royaumes” estime une ministre: le Boualem a donc décidé de consacrer une pleine page au sujet, car tel est son esprit de contradiction”
Les plus évidents sont les manifestants, les boycotteurs, les grévistes, mais ils ont été rejoints par ceux qui n’ont pas aimé la chanson de Saïd Naciri sur la Coupe du Monde russe, ou ceux qui se permettent de critique le président de la fédération de foot, ce genre d’individus. Et donc, depuis peu, ceux qui parlent trop des hydrocarbures. Cette ministre vient donc de nous gratifier d’un combo spécial, un geste technique des plus précis, en enchaînant les deux mouvements, celui qui exclut un sujet du débat et l’autre qui exclut le citoyen de la communauté nationale.
Zakaria Boualem a décidé, bien entendu, de consacrer une pleine page à “la Samir et les hydrocarbures” car tel est son esprit de contradiction. Car, voyez-vous, il est un peu fatigué qu’on lui dise de quoi il pourrait parler, il trouve cela vexant, le bougre. Parce qu’il est susceptible, bien entendu, et aussi parce qu’il a l’impression que les gens qui nous gouvernent le prennent pour un benêt.
“L’envolée des prix au cours des derniers mois a plongé dans le désarroi la moitié des Zakaria Boualem du pays, qui tremble à chaque passage à la pompe”
La hausse des carburants n’est pas seulement un sujet légitime, c’est une obsession pour une bonne partie des ménages marocains. L’envolée des prix au cours des derniers mois a plongé dans le désarroi la moitié des Zakaria Boualem du pays, qui tremble à chaque passage à la pompe, l’autre moitié a rangé son véhicule en envisageant de revenir à l’âne pour se déplacer. Mais on ne devrait pas trop en parler, bien entendu, pour ne pas déranger la ministre qui a d’autres sujets pour nous.
Il est juste dommage qu’elle ne nous ait pas signalé de quoi nous devrions parler, ça aurait été plus simple pour pondre une page par semaine. Par exemple, peut-on parler de la défaite du WAC en finale de la Ligue des champions ? Ou du nouveau chaos qui a caractérisé l’organisation de ce match, voilà une bonne question.
Et puis, est venue cette augmentation absurde de tous les prix, soudain. Et là, il ne s’agit plus d’une obsession, mais carrément d’une sorte de longue plainte nationale, pour geindre ensemble sur notre infortune. Tout a augmenté, sauf le salaire du Boualem, et il s’est mis à compter ses dirhams, voilà la terrible réalité. Il s’est senti cerné, contraint à calculer tout, à un âge où il est d’usage de se laisser aller, enfin. Tout cela, nous explique-t-on, est le fruit de la hausse du prix du carburant, à laquelle ont échappé les taxis, à cause de leur capacité de nuisance.
Voilà, vous n’avez sans doute rien appris dans cette page, puisque le Boualem ne connaît rien à l’économie, mais il était important qu’il puisse défendre sa liberté d’expression devant la tentative d’inscription d’un nouveau sujet dans la liste des tabous, et merci.