Quand je suis parti pour la première fois au ministère des Affaires étrangères, je voulais stationner ma voiture. L’agent me demande alors : « Chkoun ? »(c’est qui ?) J’ai répondu : « Président de la Commission des affaires étrangères ». Et là il me rétorque : « Est-ce qu’il va venir avec sa propre voiture?« ”
L’anecdote, racontée par Mehdi Bensaid sur les ondes de Hit Radio en juin 2014, témoigne de la notoriété alors naissante de celui qui venait tout juste d’être élu comme le plus jeune président de la Commission des affaires étrangères à la Chambre des représentants (2014-2016). Depuis, sa notoriété est allée crescendo. Depuis octobre 2021, il est l’un des ministres les plus visibles du gouvernement de Aziz Akhannouch, et dirige trois secteurs clés : la jeunesse, la culture et la communication.
Pour TelQuel, il revient sur les politiques publiques destinées aux jeunes Marocains, détaille sa stratégie pour booster les industries culturelles et créatives et appelle à la refonte du secteur de la presse qu’il juge “chaotique”.
Nous sommes à la veille de la 28e édition du Salon international de l’édition et du livre, délocalisé pour la deuxième année consécutive à Rabat. Le déménagement dans la capitale semble définitif. Comprenez-vous les Casablancais qui vous reprochent cette décision ?
D’abord, je comprends tous les Marocains et Marocaines qui réclament plus d’activités culturelles au sein de leur pays, et je les soutiens. Cette attente est tout à fait légitime. Nous souhaitons mettre en place une stratégie, région par région, province par province, pour que chaque citoyen puisse profiter d’une vie culturelle régulière et à proximité, qu’elle concerne le livre ou un autre secteur culturel.
Casablanca est une ville particulière : elle est très vivante, active. C’est une ville importante pour nous, dans la mesure où l’on compte beaucoup sur sa société civile, mais aussi sur les partenaires privés, en raison de l’activité économique intense qu’elle contient. S’il doit y avoir une industrie culturelle, cette réussite doit aussi se faire à Casablanca (…).
On entend très souvent que le Marocain ne lit pas, et que c’est là l’origine de la précarité de la chaîne du livre. Partagez-vous ce constat ?
“Sortons de l’axe Casablanca-Rabat. À Oujda, qui est tout de même une grande ville, il n’existe qu’une seule librairie littéraire”
Le problème, c’est qu’on attend des gens qu’ils lisent, mais qu’on ne met pas de livres à leur disposition. Si le consommable n’existe pas, comment voulez-vous que le Marocain le consomme ? Sortons de l’axe Casablanca-Rabat. À Oujda, qui est tout de même une grande ville, il n’existe qu’une seule librairie littéraire. Par conséquent, les gens attendent un salon, régional ou national, pour acheter des livres. Et croyez-moi, ils en achètent.
Le Marocain lit, mais cela n’apparaît pas dans les chiffres officiels. Il lit à longueur de journée sur son téléphone, il lit des livres PDF, il lit des livres piratés vendus en étalage au noir… Tout ça, c’est de la lecture, mais une lecture qui ampute profondément l’écrivain marocain et, plus généralement, toute la chaîne du livre marocain.
À l’étranger, il y a toute une stratégie de marketing autour du livre et de la librairie. C’est quelque chose que nous devons développer nous aussi. Lire la suite.