Le Boualem, le maillot arc-en-ciel et l'homophobie

Par Réda Allali

Salut à vous, chers amis, c’est un Zakaria Boualem guilleret qui vous accueille, souple et sémillant, prêt à affronter les polémiques nombreuses et de bonne facture que nous offre ce monde numérique. La production de la semaine est d’une qualité respectable, proposée par la France et son football, jamais paresseuse quand il s’agit de nous offrir des sujets, hamdoullah.

“Certains joueurs refusent de porter ce maillot, la France s’indigne, on cherche l’origine de ces joueurs, on trouve bien entendu des Abdellah, on leur demande des comptes, les réseaux répliquent, tout le monde s’énerve, etc.”

Réda Allali

La Ligue 1 a décidé d’orner les maillots de tous les joueurs de France d’un arc-en-ciel pour lutter contre l’homophobie. L’opération a eu lieu le week-end dernier, avec comme slogan pour cette journée spéciale : “Homo ou hétéro, on porte tous le même maillot”. La suite est une succession d’évènements absolument prévisibles. Certains joueurs refusent de porter ce maillot, ils ne jouent pas ce fameux match de la tolérance, la France s’indigne, on cherche l’origine de ces joueurs, leurs convictions, on trouve bien entendu des Abdellah, on leur demande des comptes, les réseaux répliquent, tout le monde s’énerve, etc.

La machine est rodée, elle s’abreuve de vocables comme laïcité, islamisme, intégration, valeurs, délit, tolérance, invasion, etc. Mention spéciale au club de Toulouse, avec pas moins de cinq joueurs qui ont boycotté le maillot en question. On imagine la stupéfaction de l’entraîneur, qui découvre une sorte de cellule dormante dans son vestiaire, le pauvre. Le Guercifi, dont vous connaissez les talents d’analyste, voudrait résumer les positions des deux camps, pour avancer dans la sérénité, et rapprocher les gens car plus il vieillit, moins il veut se bagarrer.

D’un côté, il y a les instances du football français, qui ont décidé ce week-end de lutter contre l’homophobie, qui est un délit, et c’est son droit, puisqu’elle peut faire ce qu’elle veut dans son championnat. Donc, elle met l’arc-en-ciel sur les maillots, imaginant que ce genre d’initiative fait progresser la prise de conscience, voilà l’idée. On peut toutefois noter que des centaines de badges “no to racism” ou “FIFA fair-play” qui ont poussé sur les maillots au cours des dernières années n’ont à peu près rien changé à ces fléaux, mais ce serait faire preuve de mauvais esprit. Le foot, allez savoir pourquoi, s’est inventé le rôle de sauveur de l’humanité, de grand vecteur du changement mondial vers les lumières de l’humanisme.

De l’autre côté, il y a certains joueurs qui voient dans ce drapeau le symbole politique de la promotion de l’homosexualité. Ils se souviennent que cette fédération, qui manifeste son grand amour pour la tolérance et le respect des minorités, a expressément exigé qu’on n’interrompe surtout pas les matchs une minute pour la rupture du jeûne du ramadan au nom de la laïcité. On répète sans arrêt à Zakaria Boualem que ce n’est pas la même chose, mais il n’arrive pas bien à comprendre pourquoi.

Tenez, restons avec le Guercifi, c’est un cas d’école. Il n’a rien d’un homophobe : il est convaincu, le bougre, que chacun devrait pouvoir faire ce qu’il veut dans son intimité, et c’est une position non négociable. Est-il prêt, pour autant, à se balader avec un drapeau arc-en-ciel ? Non. Est-ce que ce refus fait de lui un dangereux extrémiste ? Je ne sais pas, à vous de dire.

Je le connais très bien, je pense que non, mais le football français pense que oui, car à leurs yeux il n’y a pas de différence entre un homophobe et un type qui ne veut pas porter le drapeau. Je ne sais pas non plus si c’est vraiment une bonne idée que celle de le brusquer, de le traiter de barbare islamique, ce serait même drôle, en fait, quand on sait à qui on a affaire… Il y a quelques années, il fallait être Charlie, sinon on était un terroriste, c’est un peu le même raisonnement. Ou pas, finalement, parce que tout cela est très compliqué. C’est tout pour la semaine, et merci.