En ce moment, tu passes pas mal de temps à procrastiner en scrollant. Tu te nourris de gossips plus ou moins croustillants, de photos ultra-filtrées qui donnent l’illusion que tes e-connaissances ont des vies merveilleuses, tu réponds à des quizz absurdes censés te faire découvrir quelle fleur du printemps tu serais, tu screenshots des robes que tu envoies à Zee et tu likes quelques indignations polies.
Puis au fil des clics, tu découvres des polémiques. Et il y a des polémiques que les réseaux sociaux semblent adorer. Il y a des sujets dont les internets adorent s’emparer. Bien évidemment, chacun y va de son tweet, de son commentaire, de son avis qu’on croit toujours le bon.
La polémique de la semaine a pour objet Zakaria Aboukhlal, joueur de foot de son état et héros national depuis la Coupe du Monde. Le monsieur joue en tant qu’attaquant dans le club de Toulouse qui vient de remporter la Coupe de France – pendant laquelle il a marqué un très beau but. Mais lors du dernier match qu’il devait jouer, tous les joueurs de tous les clubs professionnels devaient porter des brassards et des maillots floqués avec des numéros aux couleurs de l’arc-en-ciel pour célébrer la journée internationale de lutte contre l’homophobie.
Tous les joueurs de tous les clubs, et Zakaria Aboukhlal est l’un d’entre eux. Mais il se trouve que le monsieur n’a pas voulu. Il n’a pas voulu porter quoi que ce soit aux couleurs arc-en-ciel. Ça a fait un sacré boucan. Ça a été commenté.
Pour finir, le mec n’a pas joué le match en question. Il s’est exprimé et a fourni ce qui est censé être une explication : “J’ai pris la décision de ne pas prendre part au match d’aujourd’hui. Je tiens à souligner que j’ai la plus grande estime pour chaque individu, quels que soient ses préférences personnelles, son sexe, sa religion ou ses origines. C’est un principe que l’on ne soulignera jamais assez. Le respect est une valeur que j’estime beaucoup. Il s’étend aux autres, mais il englobe aussi le respect de mes propres croyances. C’est pourquoi je ne pense pas être la personne la plus apte à participer à cette campagne. J’espère sincèrement que ma décision sera respectée, tout comme nous souhaitons tous être traités avec respect”.
“Ne pas être contre l’homophobie c’est être homophobe. Et ça, ce n’est pas une opinion. Ce n’est pas une conviction. C’est un délit dans le pays dans lequel vit et travaille monsieur Aboukhlal”
Alors toi, tu ne vas pas vraiment commenter ces quelques lignes que tu trouves pour le moins tortueuses. Le mec dit un peu tout et son contraire. Zakaria Aboukhlal se justifie de la manière la plus scabreuse qui soit, il agite hypocritement le drapeau du respect pour tenter de faire oublier que le sien est à géométrie variable. Bien évidemment qu’il est libre d’avoir des convictions et qu’il a le droit de les exprimer. Mais là il se trouve que ce n’est pas du tout de conviction dont il s’agit. Ne pas être contre l’homophobie c’est être homophobe. Et ça, ce n’est pas une opinion. Ce n’est pas une conviction. C’est un délit. C’est un délit dans le pays dans lequel vit et travaille monsieur Aboukhlal.
Ce n’est pas de sa liberté d’expression dont il s’agit. Ce n’est pas de sa liberté de conscience. On ne lui demande pas de rouler des pelles à un mec. On lui demande d’être solidaire d’une cause. L’homophobie est une discrimination. L’homophobie est une incitation à la haine. En refusant de porter ce maillot, Zakaria Aboukhal ne défend absolument pas ses “convictions”, encore moins ses “croyances”, il condamne une nouvelle fois les victimes d’homophobie. Malheureusement, au Maroc, l’ignoble article 489 criminalise “les actes licencieux ou contre nature avec un individu du même sexe” et c’est contre cette loi d’un autre temps qu’il faut se battre, et pas tenter de l’exporter.