Nous sommes en 1963 à Rabat, plus précisément devant une petite salle du mausolée du sultan Hassan 1er à l’entrée du palais royal. Un fourmillement d’hommes de religion, oulémas, hauts fonctionnaires de l’État, hommes politiques, sécuritaires et diplomates s’apprêtent à entrer dans cette salle où se trouve le roi Hassan II.
L’événement est de taille, car le monarque renoue avec une vieille tradition de la dynastie alaouite, qui consistait à honorer les oulémas en établissant des conseils scientifiques pendant le ramadan pour débattre de la Charia, des Hadiths, du fiqh et des sciences de l’interprétation des textes religieux. Hassan II, intronisé deux ans auparavant, en 1961, baptise ce rendez-vous du ramadan “dourous hassania” (causeries hassaniennes).
Le roi défunt a donné la raison de ces causeries : “Nous poursuivons plusieurs objectifs en reprenant ce cycle de causeries religieuses du ramadan : assouvir notre soif de savoir, de connaissance (…) et permettre à Nos sujets désireux de mieux connaître les préceptes de la religion de suivre des cours sur de nombreuses disciplines tels que la religion, le hadith, le droit, la grammaire et les lettres.”
Hassan II justifie sa légitimité
Remettons les choses dans leur contexte historique. À son accession au trône, le seul fait d’être le fils de feu Mohammed V et héritier de la dynastie alaouite ne donne pas à Hassan II, aux yeux d’autres acteurs politiques de l’époque, le droit automatique de gouverner.
“Hassan II se devait d’être à la hauteur après la disparition de Mohammed V, qui était une personne consensuelle et populaire”, nous explique le chercheur Youssef Belal. Le nouveau souverain doit donc faire ses preuves et passe quasiment des examens.
“Durant les six mois qui précèdent son investiture, le Palais organise une série de conférences faites par le prince Hassan qui devient tour à tour philosophe, économiste, sociologue ou expert en relations internationales. Il s’agit de montrer aux élites du Mouvement national que le prince est en quelque sorte apte à gouverner le pays”, écrit Youssef Belal dans Le cheikh et le calife : Sociologie religieuse de l’islam politique au Maroc.
Il restait à Hassan II à parfaire son CV en prouvant qu’il maîtrisait le fiqh (droit) islamique. Ceci alors que de nombreux observateurs “avaient une perception d’un prince hériter “playboy”… Lire la suite