Maroc–France : le double jeu de Macron

Avec son ambivalence et ses postures contradictoires, le président français aggrave la crise qui sévit entre Rabat et Paris. Les relations entre les deux pays n’ont jamais été aussi glaciales.

Par et

TELQUEL

Ni bonnes, ni amicales”. La réponse cinglante de Rabat à Emmanuel Macron, relayée par Jeune Afrique, est une première. Pendant la conférence de presse qui a suivi son discours consacré aux relations entre la France et l’Afrique, le 27 février, Emmanuel Macron avait qualifié d’“amicales” ses relations personnelles avec le roi.

Une sortie qui n’a pas manqué de faire réagir les autorités marocaines, signe de l’exaspération grandissante du royaume vis-à-vis de son partenaire autrefois “particulier”.

“La relation maroco-française ne peut être simplement évoquée de manière superficielle lors d’une conférence de presse. Surtout lorsque les deux pays doivent œuvrer à rebâtir cette relation”

Abdelmalek Alaoui, CEO de Guépard Group

La relation maroco-française ne peut être simplement évoquée de manière superficielle – presque anecdotique- lors d’une conférence de presse. Surtout lorsque les deux pays doivent œuvrer ensemble à rebâtir cette relation afin qu’elle corresponde aux exigences du moment et aux aspirations profondes de chacun des deux pays”, soutient Abdelmalek Alaoui, CEO de Guépard Group, cabinet de consulting en affaires publiques et président de l’Institut marocain d’intelligence stratégique. Une relation qui, justement, semble se déliter depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à la tête de l’Exécutif français en 2017.

“Emmanuel Macron ne comprend pas le Maroc, et la nouvelle classe politique française n’a plus les mêmes attaches que la génération précédente, qui avait ses réseaux dans le royaume”, explique le spécialiste de géopolitique à l’université américaine de Dubaï Mohamed Badine El Yattioui.

L’absence de ces “réseaux” aurait entraîné un manque de dialogue qui atteindrait aujourd’hui son acmé ? Le froid glacial entre les deux pays semblait pourtant momentanément dépassé après la résolution de la crise des visas en décembre 2022 et la visite à Rabat de la nouvelle ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna.

Apaisement de courte durée, puisque le ministère des Affaires étrangères marocain annonçait froidement, dans le Bulletin officiel du 2 février 2023, la fin du mandat de son ambassadeur à Paris sans lui nommer de successeur : “Conformément aux hautes instructions royales, il a été décidé de mettre fin aux fonctions de Mohamed Benchaâboun en tant qu’ambassadeur de Sa Majesté auprès de la République française, à compter du 19 janvier 2023”.

Inquiétudes à droite

Et pour cause ! Les sujets de discorde se sont accumulés. Résolutions hostiles votées au Parlement européen et poussées par le groupe parlementaire Renew, proche d’Emmanuel Macron, visite d’Etat repoussée à maintes reprises, crise des visas, refus de la France de se prononcer sur le plan d’autonomie du Sahara alors même que l’Espagne a franchi ce cap historique, rapprochement franco-algérien…

“Il s’agit de la pire crise diplomatique entre nos deux pays depuis la fin des années 1980. Pourquoi la politique menée par la France vise-t-elle systématiquement à saper des décennies d’amitié avec le Maroc ?”

Le député Pierre-Henri Dumont interpellant Catherine Colonna

Des points de tensions qui autrefois étaient désamorcés par des réseaux d’influence, aujourd’hui inefficaces. Un constat qui alarme au sein même de l’Assemblée nationale française. Mardi 7 mars, le député Les Républicains (LR) Pierre-Henri Dumont interpellait Catherine Colonna à ce sujet lors d’une audition de la commission des Affaires étrangères : “Les députés du groupe LR sont particulièrement inquiets du fiasco de la politique menée par le président et son gouvernement en Afrique. Je souhaiterais vous interroger sur la crise diplomatique ouverte avec l’un de nos partenaires les plus fidèles et les plus anciens en Afrique, le Maroc”.

Il poursuit : “Il s’agit de la pire crise diplomatique entre nos deux pays depuis la fin des années 1980. Pourquoi la politique menée par la France vise-t-elle systématiquement à saper des décennies d’amitié avec le Maroc ? Cela fait par exemple trois mois que le Maroc n’a pas nommé d’ambassadeur en France”.

Une inquiétude partagée par d’autres, plus à droite, à l’instar de l’eurodéputé RN Thierry Mariani, qui insiste auprès de TelQuel sur la nécessité d’apaiser la situation : “Il faut arrêter tout ça et reprendre des relations normales en se respectant”.

Et d’ajouter : “On ne peut pas être pour l’Algérie et pour le Maroc. On ne peut pas être “en même temps”, à un moment il faut choisir. Lire la suite

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