La pluie et le feu

Par Fatym Layachi

Le mois de mars a fini par arriver pour te sortir de février et sa torpeur qui te semble interminable. Le printemps va arriver et avec lui son lot de réjouissances : les soirées en plein air, les dimanches à bronzer et les lundis au soleil. Mais avant tout ça, la pluie est arrivée et c’était une formidable nouvelle. Bien évidemment, il n’y a pas eu assez de pluie pour sauver cette saison catastrophique, mais suffisamment pour remercier le ciel et retrouver un peu d’espoir.

Toi, tu estimes qu’espérer, c’est déjà ça. Et alors que tu étais sur une belle lancée, pleine d’espoir justement, retrouvant la légèreté, des nouvelles sont venues plomber ton moral et anéantir toute forme d’espoir. D’abord, il y a cette guerre en Ukraine qui est un carnage humanitaire.

Les politiques de tous bords s’accordent pour dire que le pire est à venir. Et apparemment, selon certains experts, la crise énergétique serait “comparable en intensité, en brutalité, au choc pétrolier de 1973”. Ça n’augure rien de bon… Alors, quand tu découvres sur les Internets qu’une pierre japonaise censée renfermer un démon depuis mille ans s’est cassée, tu ne vois pas comment calmer tes relents d’angoisse.

Et puis, bien moins loin de toi, Omar Radi a été condamné en appel à six ans de prison. La peine est la même que celle prononcée en première instance. Le journaliste a été condamné dans une double affaire d’espionnage et de viol. Bien évidemment, tu ne vas pas remettre en doute la parole de la plaignante, mais dans cette affaire, beaucoup de choses t’étonnent et te révoltent. Dans le fond et dans la forme. Il y a eu indéniablement de l’acharnement de la part de la police judiciaire qui l’a convoqué dix fois en tout juste un mois en 2020.

Selon les avocats, les charges pour espionnage n’avaient aucun fondement et nombre d’institutions défendant les droits humains ont relevé les inégalités et iniquités du procès. Quand la Cour, avant de prononcer sa sentence, lui a donné la parole, Omar Radi a dit : “Je souffre d’une maladie, maladie immunitaire qui pousse ma propre immunité à attaquer mon propre corps. Ceci Monsieur le président est une image de ce qui se passe dans notre pays. Mon propre pays fait la guerre à son propre fils”.  Courageux, éloquent et tellement triste. Ses mots te foutent la chair de poule.

Alors, quand Zee t’a proposé de la rejoindre pour un verre, tu as accepté. Le Chablis va peut-être te redonner un peu d’espoir ou au moins un brin d’illusion. Tu débarques et tu découvres que la cheminée est allumée. Zee, quand elle voit trois gouttes de pluie, elle ressort les manteaux. Vautrée dans la douceur de ce cocon douillet, tu apprécies le moment avant d’être brusquement sortie de cette douceur : la cheminée prend feu !

Zee se met à hurler. D’énormes flammes sortent du conduit. Tu prends ton téléphone et appelles les pompiers. Ça te semble logique et évident. Sauf que dans le plus beau pays du monde, les évidences ne le sont pas toujours. Tu passes exactement 23 minutes suspendue à une musique digne d’un ascenseur, à attendre que les pompiers répondent. 23 minutes ! Ce n’est pas rien quand il y a une urgence !

Tu te dis qu’il vaut mieux éviter de prendre feu ici. Et puis, tu finis par perdre patience et décides d’appeler la police, qui répond très rapidement et va se charger de joindre les pompiers. Au final, plus de peur que de mal. Il y a sûrement une explication ou une raison à ces 23 minutes, mais tu estimes que rien, strictement rien, ne peut justifier que tes concitoyens et toi ayez à attendre 23 minutes s’il y a le feu. Et à bien y regarder, ici, tu te sens fliquée certainement, en sécurité probablement, mais sûrement pas protégée.