“Le macabre dictionnaire des tests de virginité”, ou comment redéfinir une pratique misogyne

Le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI) a publié la semaine dernière son “Macabre dictionnaire des tests de virginité”, un livret illustré qui dénonce cette pratique, utilisée comme moyen d’évaluation et d’oppression des femmes à travers les siècles.

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"Il n’y a aucune preuve de la virginité d’une femme", rappelle le livret sous cette illustration réalisée par Alex Pineda. Crédit: MALI x TBWA/RAAD

L’agence de publicité TBWA/RAAD de Dubaï s’associe de nouveau au Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI) au Maroc pour une large campagne de sensibilisation.

Le Macabre dictionnaire des tests de virginité, téléchargeable gratuitement au format numérique et décliné en trois langues, l’arabe, le français et l’anglais, revient en 37 pages de dessins et de texte sur une quinzaine de mots et de concepts qui “semblent ordinaires dans le langage du quotidien, mais qui ont été construits il y a des siècles comme moyens d’évaluation et d’oppression des femmes”, lit-on sur un communiqué du MALI.

“Un mythe patriarcal et un concept imaginaire”

Malgré les avertissements de certaines organisations comme les Nations unies, ONU Femmes et l’Organisation mondiale de la santé, qui assurent qu’un test ne peut prouver si une femme a déjà eu des relations sexuelles, “les soi-disant ’tests de virginité’ sont encore répandus dans toutes les classes sociales au Maroc”, se désolent les auteurs.

“Idéalisé et mythifié, le concept construit de ‘virginité’ fondé sur une fine membrane, un certificat ou une tache de sang sur un drap, est devenu le moyen de mesure de la valeur d’une femme”

La virginité est définie dans le livret comme “un mythe patriarcal et un concept imaginaire créés pour opprimer les femmes”. Pour les auteurs, “un mot si pur (…) c’est un mythe qui porte un lourd et sombre fardeau”. Le livre s’intéresse également au “test du drap de lit”, une tradition dans certains pays arabes et musulmans, selon laquelle les draps sont inspectés après la nuit de noces afin de vérifier l’existence de taches de sang censées prouver la “virginité” de la mariée.

Une tradition qui avait déjà fait l’objet d’une première campagne coréalisée par MALI et l’agence de publicité TBWA/RAAD de Dubaï.

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L’article 488 en question

“L’article 488 est une loi qui ne protège pas contre le viol lorsqu’une femme ne peut prouver qu’elle était ‘vierge’ avant que le crime ne se produise”

Le “dictionnaire” aborde également certains articles “macabres” du Code pénal marocain. Pour les concepteurs de l’ouvrage, “l’article 488 est une loi qui ne protège pas contre le viol lorsqu’une femme ne peut prouver qu’elle était ‘vierge’ avant que le crime ne se produise”, car celui-ci “dispose de ce qu’on appelle la ‘défloration’ et autorise la pratique du ‘test de virginité’ sur les filles et les femmes victimes de viol, et inflige par conséquent des peines plus sévères à l’agresseur selon la supposée ‘virginité’ ou non de la victime”.

Pendant des siècles, de nombreuses techniques (certaines plus dangereuses que d’autres) ont été utilisées pour tester la ‘virginité’ d’une femme avant ou pendant sa nuit de noces. Certaines d’entre elles sont encore pratiquées à ce jour au Maroc et dans d’autres sociétés à travers le monde. Idéalisé et mythifié, le concept construit de ‘virginité’ fondé sur une fine membrane, un certificat ou une tache de sang sur un drap, est devenu le moyen de mesure de la valeur d’une femme”, introduisent les auteurs, assurant que le changement “ne peut commencer que par une éducation sur le sujet en redéfinissant les termes que la société nous a imposés”.

II était temps de partager une campagne plus pédagogique, car pour mettre fin aux tests de virginité, nous devons d’abord éduquer sur le sujet”, confie Ibtissame Betty Lachgar, porte-parole du MALI.