Une box comprenant un set de draps blancs finement brodés qui “préservent les taches de sang” — idéal pour la nuit de noces. “Encadrement facile”, précise, non sans humour, la vidéo publicitaire du site Traditional Virginity Test créé spécialement pour cette campagne qui dénonce le rituel du “test de virginité”.
Une idée de l’agence de publicité TBWA/RAAD, basée à Dubaï, en collaboration avec le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (M.A.L.I.) au Maroc. “Cette campagne en trois langues (arabe, français et anglais) est un moyen d’attirer l’attention sur le mythe patriarcal de la ‘virginité féminine’ et la pratique sexiste des ‘tests de virginité’ qui sont encore largement pratiqués dans le monde”, commente Ibtissame Betty Lachgar, fondatrice du M.A.L.I.
La box contenant les draps, mais aussi un livret de sensibilisation de 24 pages, a été envoyée à des influenceurs de la région MENA dès le lancement de la campagne, le 14 février, jour de la Saint-Valentin. “Nous avons choisi cette date symbolique, car historiquement, la Saint-Valentin est une fête patriarcale, la journée des injonctions sexistes au nom de ‘l’amour’”, poursuit la militante.
L’égalité dans de beaux draps
Le choix des draps pour symboliser cette oppression s’est imposé, car le tissu est un des moyens de “tester la virginité d’une femme” lors de ce qui est censé être son premier rapport sexuel. Après la nuit de noces, la tache de sang sur les draps doit attester de sa “pureté”.
“Il n’y a aucun moyen de prouver la virginité d’une personne, femme ou homme”
Mais il existe d’autres “tests de virginité”, que dénonce également la campagne, comme celui pratiqué par un membre de la famille ou un gynécologue (méthode dite des “deux doigts”). Cet examen consistant à inspecter l’hymen permet alors au médecin de délivrer le précieux “certificat de virginité”, parfois demandé par les familles avant le mariage.
Problème : “Il n’y a aucun moyen de prouver la virginité d’une personne, femme ou homme”, tranche Dr Amira Yaakoubi, médecin sexologue tunisienne, dans une vidéo sur le site Traditional Virginity Test. “Une femme sur deux ne saigne pas durant son premier rapport sexuel, poursuit-elle. Certaines naissent sans hymen, et des femmes enceintes ont encore un hymen intact.”
Une étude réalisée en 2004 sur 36 femmes enceintes a en effet montré que 34 d’entre elles avaient encore un hymen intact. “Ces pratiques sont archaïques et doivent disparaître”, conclut la sexologue.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS), ONU Femmes et le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies avaient déjà alerté sur la question, appelant en 2018 les gouvernements à abolir cette pratique dans les pays où les tests de virginité sont monnaie courante. Les ONG assuraient alors que le test dit “des deux doigts” n’avait aucun fondement scientifique ou clinique.
Le mythe de la menteuse
Et à Ibtissame Betty Lachgar de s’indigner : “Au-delà du fait que la virginité est un mythe patriarcal, il faut en finir avec le stéréotype de la femme menteuse. Même quand elle dit qu’elle n’a jamais eu de rapport sexuel, on va encore aller vérifier ! C’est une violation des droits fondamentaux des femmes, une atteinte à leur intégrité physique, à leur dignité et à leur liberté sexuelle.”
Le test de virginité devient alors un symbole d’oppression. “La supposée virginité d’une femme devient un état indispensable pour le mariage. Par amour, des femmes sous emprise familiale et sociale se plient à des exigences de domination masculine, sont victimes d’une violence sexiste et sexuelle. C’est cela qui devrait choquer l’opinion publique !”, estime la porte-parole du M.A.L.I.
Violences et conséquences
Par ailleurs, comme le rappelle le communiqué de la campagne, les conséquences peuvent être désastreuses : “Ne pas saigner peut mettre la vie de certaines femmes en danger, entraînant des violences physiques et verbales, la répudiation, le divorce, le viol, le crime dit d’honneur et le suicide, affectant ainsi le destin des femmes, de leur famille, leur ‘honneur’ et leur sécurité.”
M.A.L.I. appelle également à l’abrogation de l’article 488 du Code pénal qui autorise la pratique du “test de virginité” sur les filles et les femmes victimes de viol. De ce test va dépendre la peine du violeur : s’il y a eu “défloration” de la victime, la peine sera plus conséquente. “Une humiliation et une violence sexuelle de plus pour la victime, commente Ibtissame Betty Lachgar. Il faut aussi prendre en compte les conséquences physiques et psychotraumatiques de cette pratique barbare.”