Quinze mois après le début du conflit qui ravage le nord du pays, les autorités éthiopiennes se réjouissent d’accueillir une réunion qu’elles aiment à qualifier de “désaveu pour ceux qui annonçaient l’apocalypse ici” et qui a de nombreuses autres crises à son agenda. Des coups d’État sur le continent au changement climatique en passant par la pandémie de Covid-19, l’ordre du jour chargé de l’organisation panafricaine aux 55 membres détournera l’attention des problèmes éthiopiens et permettra au gouvernement du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed de se présenter comme un hôte solide et stable.
L’Union africaine (UA), dont Addis-Abeba est le siège, se prépare aussi à un débat sur sa relation avec Israël, que les analystes estiment être l’un des plus polarisants de l’histoire de l’organisation créée il y a 20 ans.
“Une victoire politique de l’Éthiopie”
L’accueil de ce sommet “peut certainement être considéré comme une victoire politique de l’Éthiopie”, estime Imogen Hooper, analyste au centre de réflexion International Crisis Group (ICG), qui rappelle que le gouvernement “a fait énormément pression pour que ce sommet ait lieu physiquement (et non en visioconférence), car cela donne un sentiment de normalisation”.
Ce sommet intervient après une série de coups d’État sur le continent, le dernier il y a moins de deux semaines au Burkina Faso. Mardi soir, l’UA a dénoncé une tentative de renverser le pouvoir en Guinée-Bissau.
Dans un discours mercredi aux ministres des Affaires étrangères réunis avant le sommet des chefs d’État, le président de la Commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, a condamné une “résurgence inquiétante des coups d’État militaires qui, non seulement, ne renvoient pas une image positive de notre continent, mais sont des sources d’instabilité sociopolitique préjudiciables à tous les efforts de développement”.
L’organe de sécurité de l’UA a suspendu le Burkina Faso, le Mali, la Guinée et le Soudan après leurs coups d’État militaires. Mais pas le Tchad où, depuis la mort du président Idriss Deby Itno en avril 2021, un conseil militaire dirigé par son fils gouverne le pays. “La réponse incohérente de l’UA à la multitude de changements anticonstitutionnels de gouvernement a été particulièrement préjudiciable”, estime l’ICG.
Pour Solomon Dersso, fondateur du groupe de réflexion Amani spécialisé sur l’UA, les débats devraient plutôt porter sur la lutte contre les facteurs qui mènent aux coups d’État, comme le terrorisme ou les révisions constitutionnelles permettant aux dirigeants de se maintenir au pouvoir. “Ce n’est que lorsqu’une crise frappe qu’on se demande : comment se fait-il que ce pays s’effondre si rapidement ?”, résume-t-il.
Samedi, le président sud-africain Cyril Ramaphosa fera un point sur la réponse africaine à la pandémie, près de deux ans après la détection du premier cas de Covid-19 sur le continent, en Égypte.
Au 26 janvier, seuls 11 % des plus d’un milliard d’Africains avaient été entièrement vaccinés, selon les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies. C’est loin de l’objectif fixé de 70 % d’ici la fin de l’année. Les dirigeants africains devraient exprimer à nouveau leur indignation de voir les vaccins concentrés dans les pays riches.
La présence israélienne en question
Un projet d’ordre du jour consulté par l’AFP prévoit également une discussion sur la décision prise en 2021 par Moussa Faki Mahamat d’accepter l’accréditation d’Israël en tant qu’observateur. Les États non africains accrédités peuvent assister à certaines conférences, accéder à des documents non confidentiels de l’UA et présenter des déclarations lors de réunions les concernant.
La décision de Moussa Faki Mahamat a suscité de vives protestations de membres puissants, dont l’Afrique du Sud et l’Algérie, qui ont fait valoir qu’elle allait à l’encontre des déclarations de l’UA soutenant les Territoires palestiniens. Selon certains analystes, un vote sur cette question pourrait entraîner une scission sans précédent.
Au milieu de cet agenda chargé, il est peu probable que la guerre en Éthiopie, qui oppose les forces pro-gouvernementales aux rebelles du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), retienne beaucoup l’attention.