Le parquet a requis l’irrecevabilité des citations directes déposées contre Le Monde, Radio France, France Media Monde, Mediapart, L’Humanité, Forbidden Stories et Amnesty International.
“La Cour de cassation a déjà beaucoup répondu” à la question posée, a rappelé la procureure, demandant au tribunal d’appliquer une jurisprudence “constante” : “Un État, qu’il soit français ou étranger” ne peut poursuivre en diffamation. “C’est une exigence fondamentale de la liberté d’expression de pouvoir critiquer un État, qui a d’autres moyens de se défendre”, a-t-elle ajouté.
“Instrumentalisation du tribunal”
Avant elle, les avocats des organisations et médias ont tour à tour demandé l’irrecevabilité de cette “procédure bâillon”, qui “vise à asséner de fausses vérités”, comme l’a plaidé l’avocat du site d’information Mediapart, François de Cambiaire.
“Pas moins de six fois” entre 2018 et 2019, “la Cour de cassation est venue répéter, une première fois à l’Azerbaïdjan et cinq fois au Maroc qui revenait à la charge, qu’il n’était pas recevable pour agir en diffamation” en tant qu’État, a souligné Me Simon Foreman pour Amnesty International.
“C’est un exercice de communication exclusivement”, pour “réorienter l’actualité” vers les poursuites judiciaires plutôt que vers les révélations de l’affaire Pegasus, a-t-il argué, parlant d’“instrumentalisation du tribunal”.
Amnesty et Forbidden Stories avaient obtenu la liste des numéros de téléphone ciblés par les clients de Pegasus. Le Maroc a notamment été accusé d’avoir eu recours au logiciel, ce que Rabat a démenti, parlant d’“allégations mensongères et infondées” et enclenchant plusieurs procédures judiciaires en France, en Espagne et en Allemagne.
Le logiciel Pegasus permet, une fois installé dans un téléphone mobile, d’espionner l’utilisateur de l’appareil, accédant à ses messageries, ses données, ou activant l’appareil à distance à des fins de captation de son ou d’image.
“Le Maroc a le droit de défendre l’honneur terriblement bafoué de ses services de renseignement” par des “journalistes irresponsables”, a plaidé l’avocat du Maroc, Me Olivier Baratelli.
Les avocats du royaume soutiennent que leur demande est recevable, car ce n’est pas l’État, mais une administration — les services secrets — qui attaquent en diffamation.
“Plus c’est gros, plus ça passe”, a commenté un avocat de la défense. Le tribunal rendra sa décision le 25 mars.