Harcèlement et “vidéo porno” : l’École supérieure roi Fahd de traduction à Tanger pointée du doigt à son tour

Douze étudiants de l’École supérieure roi Fahd de traduction à Tanger ont porté plainte le 23 décembre pour harcèlement sexuel contre un professeur qui aurait notamment fait visionner une “vidéo porno” à une élève.

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L’École supérieure roi Fahd de traduction, à Tanger. Crédit: DR

Un scandale de plus. Alors que se tient le procès de cinq professeurs de l’université Hassan Ier de Settat et que l’ENCG Oujda est sous le feu des projecteurs après la diffusion de messages à caractère sexuel envoyés par un professeur à des étudiantes, c’est au tour de l’École supérieure roi Fahd de traduction à Tanger d’être pointée du doigt pour une affaire de harcèlement sexuel.

Jeudi 23 décembre, douze étudiants — la victime et les témoins — ont porté plainte contre l’un de leurs professeurs auprès du Ministère public.

“Je veux que tu me fasses ces positions”

“Heureusement qu’elle a eu le réflexe de filmer”, confie à TelQuel l’un des témoins à propos de sa camarade harcelée, précisant que la vidéo incriminante était aujourd’hui en possession des enquêteurs. Les faits se seraient produits le 16 décembre. “Tout a commencé quand le professeur a essayé de l’attirer vers lui dans les escaliers, continue le témoin. Elle l’a repoussé et une fois en classe, il lui a soufflé à l’oreille qu’elle aurait un 5/20 dans sa matière et ne validerait pas son année.”

À la fin du cours, la jeune femme serait allée réclamer des explications au professeur, qui lui aurait demandé son numéro de téléphone pour qu’ils en discutent. L’appel, enregistré par l’étudiante et ses camarades par mesure de précaution, paraît suspect. “Il lui a demandé de la retrouver près de l’école après les cours pour qu’ils aillent quelque part”, poursuit le témoin. Elle refuse et ne répond plus aux sollicitations du professeur, qui continue de l’appeler pendant une semaine, jusqu’au cours suivant.

“Il est allé s’asseoir à côté d’elle, au fond de la classe, et lui a demandé pourquoi elle ne répondait pas à ses avances”

Un témoin

Ce 16 décembre, une séance d’exposés a lieu. “Il est allé s’asseoir à côté d’elle, au fond de la classe, et lui a demandé pourquoi elle ne répondait pas à ses avances. Elle a esquivé la question, mais c’est là qu’il a sorti son téléphone, a mis un site porno espagnol, et lui a montré une vidéo en lui disant ‘je veux que tu me fasses ces positions’”, raconte l’étudiant.

La jeune femme filme la scène et sort du cours, poursuivie par le professeur qui la supplie, devant témoin, d’effacer l’enregistrement. “Il l’a même entraînée dans une salle vide, d’où elle s’est échappée parce qu’elle avait peur de rester seule avec lui”, continue le témoin. Deux jours plus tard, l’étudiante décide de réunir toutes les preuves et va déposer une plainte auprès du Procureur du roi, appuyée par onze témoins des différentes scènes de harcèlement.

Silence de l’administration

L’administration de l’établissement a quant à elle choisi de se murer dans le silence. “Il est toujours en poste malgré les preuves qu’on a fournies à la direction !”, s’insurge le témoin. Suite au boycott du cours par les étudiants, l’administration a fait savoir, sans donner plus de détails, qu’elle chargerait un autre professeur d’assurer la classe “pour l’instant”.

Contacté par TelQuel, le directeur Noureddine Chemlali est resté injoignable. Un mutisme qui interroge. Les établissements de l’enseignement supérieur sont en effet dans le viseur du ministère de tutelle après à la récente avalanche de scandales sexuels qui a ébranlé la confiance en cette institution.

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Cette semaine, les étudiants de l’ENCG Oujda se sont mobilisés suite à la diffusion de conversations entre un professeur et plusieurs élèves dans lesquelles l’enseignant demandait des faveurs sexuelles en échange de bonnes notes. Ce scandale de “fellation contre validation” a déclenché une vague d’indignation sur les réseaux sociaux, poussant le Collectif 490 à lancer le hashtag #MetooUniv, depuis largement relayé, et le ministère de l’Enseignement supérieur à réagir.

Le ministre Abdellatif Miraoui a envoyé une commission déléguée à l’Université Mohammed Ier dont dépend l’ENCG Oujda, et attend un rapport pour le vendredi 31 décembre.

(mise à jour) Suite à la médiatisation de l’affaire et à une mobilisation sur les réseaux sociaux, le directeur de l’établissement Nourredine Chemlali s’est finalement exprimé : “Nous avons une tolérance zéro pour ce type d’agissements. Un conseil d’administration se tiendra ces prochains jours pour décider de la suite”, a-t-il déclaré à TelQuel. Et d’ajouter : “Nous n’avons enregistré la plainte qu’aujourd’hui, jeudi 30 décembre, à midi. Il fallait une plainte auprès de l’administration pour enclencher le processus, sans cela nous ne pouvons rien faire.”

Des étudiants ont confirmé que le professeur était officiellement remplacé — annonce qu’ils ont reçue le jeudi 30 décembre en fin de journée.