Ont-ils laissé faire ? C’est la question qui se pose suite aux révélations de l’affaire “sexe contre bonnes notes” impliquant cinq enseignants de l’université Hassan Ier de Settat. Chantage sexuel, harcèlement, corruption… la liste des faits reprochés aux accusés est longue et met au jour les failles d’une administration qui peine à protéger ses étudiantes.
Pour Khadija Essafi, il est aujourd’hui “indispensable” de restaurer la confiance en l’université “en général”, mais aussi la réputation de son établissement.
TelQuel : Les faits concernant l’Université Hassan 1er ont été signalés dès 2016, comment cela n’est-il pas remonté à l’administration ?
Khadija Essafi : Depuis que j’ai été nommée à la tête de l’Université Hassan 1er au mois de juin 2019, je n’ai jamais reçu de plainte pour des faits de harcèlement. Y a-t-il eu des plaintes reçues auparavant ? Je ne dispose pas d’éléments concrets pour répondre à cette question.
Les faits qui ont déclenché les poursuites de certains enseignants-chercheurs de l’Université Hassan 1er de Settat, que la presse a relayés, avaient eu lieu en dehors de l’université. Je ne vais pas y revenir. Toujours est-il qu’en tant que présidente de l’université, garante de la sécurité et du respect de la dignité de tous les acteurs de l’université (étudiants, personnel pédagogique et administratif), je me devais de réagir sous le contrôle de mon ministre de tutelle, et c’est ce que nous avons fait.
“Tant que la justice ne s’est pas encore prononcée à leur égard, nous devons observer un peu de réserve”
Dès que ces faits de harcèlement ont été révélés, nous avons prévenu notre ministère de tutelle qui a diligenté rapidement l’Inspection générale pour s’enquérir des faits. Parallèlement, nous avons convoqué toutes les parties concernées pour mener notre propre enquête et, par souci de garantir une instruction juste des faits, en dehors de toute influence, nous avons démis, provisoirement, les enseignants-chercheurs mis en cause de leurs responsabilités pédagogiques et administratives.
La suite, vous la connaissez : la police judiciaire s’est impliquée, l’affaire est actuellement entre les mains de la justice, et il m’est difficile de commenter une affaire en cours d’instruction.
Néanmoins, il faut rappeler que les mis en cause sont des enseignants-chercheurs, des professeurs universitaires, et tant que la justice ne s’est pas encore prononcée à leur égard, nous devons observer un peu de réserve et éviter de se substituer à la justice en avançant des jugements hâtifs qui pourraient leur être préjudiciables, ainsi qu’à leurs familles pour lesquelles j’ai une pensée toute particulière.
Y a-t-il un dispositif mis en place pour protéger les étudiants ?
Il faut que tous les étudiants, et tous les acteurs de l’université, sachent que nous sommes là pour leur assurer un enseignement de qualité dans un environnement sain, transparent et sécurisant, leur permettant de jouir de la plénitude de leur dignité.
“Notre objectif est de cristalliser une tolérance zéro envers toute forme de harcèlement”
Tout étudiant, tout membre du personnel, qui se sent touché dans sa dignité, qui se sent victime d’une quelconque forme de harcèlement moral ou sexuel, se doit d’agir et de le signaler à l’administration. La pire des choses qui puisse arriver dans de pareils cas c’est le silence. Le silence incite à la récidive et la récidive peut conduire à des drames.
Au lendemain des faits concernant l’Université Hassan 1er, j’ai donné des instructions fermes à tous les chefs d’établissements (dépendant de cette université, ndlr) pour que tous les faits de harcèlement, quelle que soit leur nature, soient traités avec fermeté et intransigeance, et que la présidence de l’université soit prévenue de toutes les plaintes reçues pour qu’elles soient instruites immédiatement.
Par ailleurs, nous sommes en train de finaliser un projet de “Charte contre le harcèlement sexuel et moral” que nous soumettrons, à brève échéance, aux instances de l’université pour approbation. Dès sa validation, cette charte sera communiquée à l’ensemble des établissements pour que de pareils faits soient contrecarrés en amont, avec de la prévention et la sensibilisation, et, en cas de faits avérés, par des mesures fermes et intransigeantes, dans le respect total des droits des uns et des autres.
Notre objectif est de cristalliser une tolérance zéro envers toute forme de harcèlement pour éviter que des étudiants, des étudiantes ou tout personnel de l’université ne soient touchés dans leur dignité.
Quelle est la marge de manœuvre des présidents d’université si les étudiants ne portent pas plainte ?
Les présidents d’université sont garants de faire régner la loi dans leurs institutions. Ils le font avec dévouement et responsabilité. Ils sont aussi garants de la sécurité et du respect de la dignité des acteurs de l’université.
Celles et ceux, étudiants et personnels, qui se sentent victimes d’un acte de harcèlement, abstraction faite de sa nature, doivent absolument agir et faire valoir leurs droits. Nous sommes là pour les écouter, les protéger, c’est notre devoir.
Il est de notre devoir aussi de prévenir tout acte de harcèlement, et nous sommes fermement engagés dans ce sens avec rigueur et responsabilité.