Mehdi Ben Barka, un espion à la solde des services secrets tchécoslovaques ? La question divise depuis la publication de l’article de The Observer, l’édition dominicale du journal britannique The Guardian, basé sur des archives déclassifiées.
Si la publication reproduit seulement, de manière détaillée, un article de l’hebdomadaire L’Express paru en 2007, elle n’en demeure pas moins pugnace. En témoignent les vives réactions, parfois même fulminantes, du landerneau politique national, notamment des partis de gauche.
“Fiers du martyr Ben Barka”
À commencer par l’Union socialiste des forces populaires (USFP), ancêtre de l’UNFP cofondé par le leader de gauche Mehdi Ben Barka, enlevé et assassiné en 1965. Dans un communiqué publié le 28 décembre dernier, le parti de la rose affirme que “les relations du martyr Ben Barka avec les dirigeants des pays et des mouvements de libération sont plus grands que l’abaissement mentionné dans L’Express et The Guardian”.
Pour la formation dirigée par Driss Lachgar, “des voix contradictoires ont exploité ces allégations qui ne sont fondées sur aucune preuve, pour répandre leur poison et attaquer le martyr, sa famille, son parti et l’ensemble du mouvement progressiste”.
Dans le même document, l’USFP présente Mehdi Ben Barka comme “un homme de principes, un leader tiers-mondiste qui aspirait à libérer les peuples, à construire des sociétés de progrès, de libération et de justice sociale, capables de résister à toutes les formes visibles et cachées du colonialisme”.
S’il renouvelle sa fierté envers “le martyr Mehdi Ben Barka”, le parti socialiste réitère sa demande relative à la révélation de toute la vérité dans l’affaire de l’enlèvement et de l’assassinat du leader de gauche. Cinquante-six ans après les faits, le parti de la rose demande au gouvernement français de lever la confidentialité sur cette affaire, tout en exhortant l’Exécutif marocain à répondre positivement aux demandes de la justice française en charge du dossier.
“Sans tombe ni réponse”
Le Parti socialiste unifié (PSU), né d’une scission de l’USFP, a réagi à son tour par le biais de sa secrétaire générale, Nabila Mounib. “Après son assassinat et sa dissimulation physiques, ils tentent d’assassiner moralement sa mémoire, écrit la nouvelle députée sur sa page Facebook. Toute la fierté et la gloire du martyr et du leader national de gauche, Mehdi Ben Barka.”
La publication est accompagnée d’une image avec un message aux allures d’un épitaphe : “Mehdi Ben Barka 1920 – … sans tombe ni réponse depuis le 29 octobre 1965”.
“Il avait une tendance un peu opportuniste”
Si le parti du Progrès et du socialisme (PPS) ne s’est pas exprimé publiquement sur le contenu de l’article de The Observer, son ancien secrétaire général et président d’honneur, Moulay Ismail Alaoui, est revenu sur la personnalité de Mehdi Ben Barka dans un entretien accordé à H24info.
Alors que l’étude présente le leader de la gauche comme “un opportuniste qui jouait à un jeu très dangereux”, l’ancien ministre, lui, soutient que “ceux qui connaissent Mehdi Ben Barka, avec tout le respect qu’on lui doit, ne sont pas très étonnés. C’était une personne très intelligente. Et comme toute personne intelligente, il se croyait certainement plus intelligent que les autres. Par conséquent, il avait une tendance un peu opportuniste et se jouait un peu trop de la scène politique”.
Tout en soulignant que c’est “une appréciation strictement personnelle”, Moulay Ismail Alaoui compare Mehdi Ben Barka à “beaucoup de nos footballeurs qui sont de grands dribbleurs, mais qui une fois devant les buts ratent souvent leurs coups”. Et de nuancer : “Je ne veux pas lui faire un procès d’intention. Je pense qu’il avait un but qui était justement le progrès de ce peuple et de ce pays et que par conséquent, pour lui, tout pouvait être utilisé pour cela. Il n’était pas très regardant ni sur la forme, ni sur la manière, ni même sur le fond.”