Dans la grotte de Bizmoune près d’Essaouira, les interprétations d’un voyage dans le temps

Les récentes études et découvertes des plus vieilles parures au monde dans la grotte de Bizmoune soulèvent de nombreuses questions d’ordre archéologique et anthropologique. Ce fut l’un des axes des échanges tenus à Essaouira le 21 décembre dans le cadre d’une rencontre organisée sous l’égide du bureau de l’Unesco pour le Maghreb.

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Abdeljalil Bouzouggar, professeur d’archéologie préhistorique à l’INSAP. Crédit: Yassine Toumi / TelQuel

L’association Essaouira-Mogador et le bureau de l’Unesco pour le Maghreb ont organisé, la semaine dernière, un séminaire sur le rôle moteur du patrimoine et de l’histoire dans la stratégie de développement de la cité touristique.

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Présent à cet évènement, le conseiller royal et président fondateur de l’association, André Azoulay, estime que les récentes découvertes d’éléments de parure datant de 150 000 ans dans la grotte de Bizmoune, marquent “la centralité du Maroc et la place d’Essaouira dans la relecture à venir de l’histoire la plus profonde et la plus ancienne de l’humanité”.

Bizmoune est un immense vivier de ressources sur lesquelles il est important de capitaliser, selon André Azoulay

Le natif de la ville, qui a déjà fait le déplacement jusqu’aux grottes de Bizmoune, a été “subjugué” par cette découverte dans une région où la présence humaine se compte à plus d’un million d’années avant notre ère. Un immense vivier de ressources sur lesquelles il est important de capitaliser, selon André Azoulay.

Sur le terrain, c’est toute la politique initiée par l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine (INSAP) qui commence à récolter ses fruits. “En 21 ans dans la zone Moyen-Orient/Afrique du Nord (MENA), les Israéliens sont les seuls à qui nous sommes comparables en matière de recherches préhistoriques”, nous explique le professeur Abdeljalil Abouzouggar, qui a dirigé les fouilles à Bizmoune.

Faire parler la pierre

“J’ai vu comment l’Institut, qui a évolué sous la direction du professeur Joudia Benslimane, a rapidement compris que le Maroc avait besoin de signer des conventions et d’envoyer ses chercheurs à l’étranger afin d’accumuler de l’expérience”, nous raconte l’archéologue.

Publié fin novembre 2021 après plus de dix années de fouilles, le rapport sur les découvertes de Bizmoune se consacre particulièrement aux objets de parures retrouvés dans le sous-sol de la grotte. Exposer des codes sur le corps, appartenir à un territoire, l’exploiter et le contrôler… la grotte en question garde d’autres mystères de la préhistoire. Elle soulève en même temps des limites techniques surmontables grâce au génie humain du 21e siècle.

“Il ne doit pas y avoir de honte à dire qu’il y a 150.000 ans, l’emplacement du Maroc était le centre du monde”

Abdeljalil Abouzouggar

“Certains scientifiques pensent à utiliser l’intelligence artificielle pour identifier la forme de langage utilisée il y a 150.000 ans”, nous dévoile le Pr Bouzouggar. Malheureusement, la parole ne se fossilisant pas, elle ne peut se lire que dans des traces matérielles. La préhistoire reste alors une histoire non écrite.

L’Homme de Bizmoune a résolument bouleversé son rapport à la nature. “Quand les humains ont acquis les symboles, ils ne les ont plus lâchés, jusqu’à maintenant”, certifie le Pr Bouzouggar, pour qui “il ne doit pas y avoir de honte à dire qu’il y a 150.000 ans, l’emplacement du Maroc était le centre du monde”.