Dans la bibliothèque d’Amine Jamaï

Auteur de cinq romans, dont le dernier, “Conspiration à Rabat” (éditions Les feuilles du grimoire), est paru fin septembre, Amine Jamaï nous présente quatre livres qui tiennent une place 
de choix dans sa bibliothèque.

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Amine Jamaï. Crédit: DR

1. “Le meilleur des mondes”, d’Aldous Huxley

“Étonnamment, Donald Trump martelait : “Ce que vous voyez et lisez n’est pas la vérité.” Phrase qui pourrait être tirée du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley. L’auteur britannique, né à la fin du 19e siècle, a pourtant écrit son roman il y a plus de 80 ans. Il trouve un écho extraordinaire dans nos sociétés d’aujourd’hui : faits alternatifs, fake news, ultra-surveillance… Il semble avoir imaginé toutes les dérives de nos sociétés qui, selon lui, finiront par tout contrôler afin de produire des gens heureux de ce qu’ils ont et qui ne se posent plus de questions. Des oiseaux en cage, aux bras croisés. L’ère du “Big Brother” et de l’humain ultra canalisé… Son livre met en scène un monde utopique et sombre, cauchemardesque, qui annonce un avenir à la fois hédoniste, consumériste et eugéniste. Huxley est pour moi le père fondateur de la joyeuse guilde des théoriciens du complot.”

Le meilleur des mondes, Aldous Huxley, éd. Pocket

2. “1984”, de George Orwell

“J’aurais pu choisir comme second roman La ferme des animaux d’Orwell, qui est un véritable bijou, mais 1984 — publié en 1949 — reste un roman très puissant. Ce Britannique, né en Inde au tout début du 20e siècle, propose des images fortes d’un totalitarisme qui tisse sa puissante toile à travers la nouvelle Tech, celle qui déshumanise l’homme jusqu’à lui voler le droit d’avoir des sentiments personnels. De là à penser à la reconnaissance faciale, à la géolocalisation, à la biométrie, aux algorithmes prédictifs et aux autres types de “pass sanitaires”, il ne reste qu’un tout petit pas. Époustouflant récit.”

1984, George Orwell, éd. Gallimard

3. “SAS”, de Gérard de Villiers

“L’auteur a écrit plus de 200 romans qualifiés “de gare”, sous des couvertures souvent “vulgaires”, dixit les avis de l’époque, dont celui de mes parents… Ces romans avaient tout de même la particularité d’être en phase avec l’actualité, souvent nourris d’informations collectées auprès des services de renseignements ou à la source, à travers des voyages effectués par l’auteur — comme le ferait un journaliste. Le titre SAS fait référence au titre honorifique du héros de la collection, Malko Linge, agent de la CIA et prince autrichien, d’où le SAS, Son Altesse Sérénissime. Pour la petite histoire, jeune, j’avais accès à la bibliothèque verte et aux classiques, mais les SAS étaient cachés hors de portée à cause de leur caractère érotique. L’interdit aidant, un système élaboré d’échange s’était mis en place pour le plus grand bonheur des ados. Les SAS ont probablement été les romans les plus lus au Maroc dans les années 1990.”

SAS, Gérard de Villiers, éd. Gérard de Villiers

4. “La civilisation, ma Mère!”, de Driss Chraïbi

“Ce roman est l’antithèse du Meilleur des mondes et de 1984. C’est l’histoire d’une mère orpheline, adoptée pour servir de femme de ménage et mariée à un homme beaucoup plus vieux, qui vit dans les traditions d’un Maroc des années 1930. Elle découvre, grâce à ses fils, les progrès technologiques. La “magie” d’une radio, d’un téléphone, va entrer dans son quotidien, lui donnant au bout du compte l’envie d’en savoir plus, de comprendre et découvrir ce nouveau monde. Dans cet ouvrage, la technologie ouvre l’esprit de la mère, lui offre de nouvelles perspectives. Elle permet à l’héroïne de générer sa renaissance et, au-delà, d’essayer d’émanciper les autres femmes.”

La civilisation, ma Mère!, Driss Chraïbi, collection Folio, éd. Gallimard