1. “Khams raqasat fi l-yawm”, de Fatima Zohra Rghioui
“L’écriture de Fatima Zohra Rghioui est envoûtante. Chaque nouvelle de ce livre contient en germe un roman, à moins que ce ne soient des romans réduits, débarrassés de leurs fioritures. Rghioui sait qu’un détail bien choisi en dit plus qu’une longue description.
Elle a le courage de montrer sans complaisance l’effet qu’ont sur les individus les inégalités de classe et de genre qui structurent notre société. Elle n’y sacrifie pas pour autant la grâce d’une écriture qui vous brise le cœur sans cruauté, qui vous enchante sans fausses promesses. J’ai connu le travail de Rghioui grâce à Latifa Baqa ; avec d’autres, elles font briller l’art de la nouvelle en langue arabe, un des genres les plus vivants de la littérature marocaine.”
Khams raqasat fi l-yawm, Fatima Zohra Rghioui – Dar Fada’at, 2010
2. “L’Apocalypse arabe”, de Etel Adnan
“L’Apocalypse arabe est un recueil visionnaire écrit pendant la guerre civile au Liban. Les poèmes ne s’y contentent pas de raconter la guerre : ils en incarnent la violence. Les mots explosent sur la page. De petits dessins hiéroglyphiques viennent à la rescousse du langage. L’écriture est à la fois acte de témoignage, chant de deuil et transfiguration de la douleur.
Née à Beyrouth en 1925, Etel Adnan a traversé les époques, les continents et les langues. Poète, romancière, dramaturge, essayiste, aucun de ses livres ne ressemble au précédent. Adnan connaît bien le Maroc. Elle a contribué aux revues Souffles et Intégral, et publié un important livre sur notre artisanat. Également peintre, elle a exposé à la Galerie l’Atelier, à Rabat, dans les années 1970.”
L’Apocalypse arabe, Etel Adnan, 1980 – Ed. Galerie Lelong, 2021
3. Impasse of the Angels, de Stefania Pandolfo
“Certains anthropologues ne font que ranger dans des cases théoriques des sociétés qui leur échappent. Stefania Pandolfo, elle, écrit pour être transformée. Situé dans un qsar de la vallée du Drâa, Impasse of the Angels étudie les nuances de la subjectivité aux marges d’une société postcoloniale.
C’est un récit polyphonique à l’écriture habitée. On vit les rêves de l’autrice et de ses interlocuteurs, on lit les poèmes qu’ils déclament au clair de lune, on perçoit des lueurs d’avenir parmi les ruines d’une mémoire confisquée. Paru en 1997, cet ouvrage est peu lu au Maroc, car uniquement disponible en anglais. Il est urgent qu’il soit traduit, au même titre que le dernier livre de Pandolfo, Knot of the Soul, qui explore les mondes de la folie au Maroc, ouvrant des perspectives inédites au croisement de la psychanalyse et de la tradition islamique.”
Impasse of the Angels, Stefania Pandolfo – University of Chicago Press, 1997
4. “Le livre de l’agriculture (Kitab al-filaha)”, de Ibn al-Awwam
“L’Andalousie musulmane a donné naissance à un mouvement agronomique remarquable. À témoin, Kitab al-filaha de Yahia Ibn al-Awwam, rédigé au XIIe siècle. Ce livre de 1000 pages, à la fois manuel pratique et encyclopédie érudite, couvre les aspects techniques, juridiques, économiques, astrologiques et médicaux de l’agriculture et de l’élevage.
Ibn al-Awwam reprend le savoir accumulé par ses prédécesseurs nabatéens, grecs, latins et arabes, tout en présentant ses propres expériences. J’ai été introduit à ce livre fascinant par Mohammed El Faïz qui n’y voyait pas seulement une source historique, mais une référence cruciale pour construire une agriculture moins dévastatrice. Il regrettait l’absence d’une édition critique du texte arabe. La maladie l’a emporté, hélas, avant qu’il ne puisse la réaliser”.
Le Livre de l’agriculture (Kitab al-filaha), Ibn al-Awwam, XIIe siècle – Actes Sud, 2000