Cela fait quelques jours déjà que l’affaire relative à la supposée utilisation par le Maroc du logiciel de surveillance Pegasus sur des personnalités médiatiques, politiques et militantes en France et sur le territoire marocain fait la Une des titres de presse.
Parmi les personnalités qui auraient été « identifiées » en vue d’une écoute ou supposément « écoutées » par les services de renseignements marocains, le directeur de publication du site d’information français Mediapart Edwy Plenel, le président français Emmanuel Macron, ainsi que des journalistes exerçant au Maroc.
Dans un communiqué publié le 20 juillet, l’Exécutif a de nouveau rejeté les accusations portées à l’encontre du Maroc les qualifiant de « persistante campagne médiatique mensongère et malveillante » et a menacé d’avoir recours à la justice contre « toute partie reprenant à son compte ces allégations fallacieuses ».
Suite à cette annonce, le ministère public a donné ses instructions au procureur général près la cour d’appel de Rabat pour « ouvrir une enquête au sujet de ces allégations et fausses accusations, et l’identification de leurs auteurs ».
« Trop facile » d’accuser le Maroc
Les publications du collectif Forbidden Stories n’ont pas fait réagir qu’au Maroc puisque le sujet fait également débat de l’autre côté de la Méditerranée. L’affaire a notamment fait réagir Bernard Squarcini, ancien directeur de la Direction centrale du renseignement intérieur en France, qui a évoqué l’affaire sur les ondes de la radio française Europe 1, estimant qu’il était « trop facile » de pointer le Maroc du doigt pour ses écoutes tout en émettant des doutes sur la véracité des informations colportées par le collectif Forbidden Stories.
Natif de Rabat, l’ancien responsable du renseignement intérieur français a également remis en cause l’éventualité que les 50 000 numéros de téléphones visés par le logiciel Pegasus aient été écoutés ou surveillés. Tout en affirmant que la surveillance de personnalités publiques par des services de renseignements faisait partie des « habitudes » des services de renseignement, l’ancien responsable du renseignement français a également relevé qu’il était désormais plus facile pour des pays ayant moins de moyens que les grandes puissances d’acquérir des logiciels de surveillance comme le logiciel Pegasus.
A noter que Bernard Squarcini a été mis en examen en septembre 2016 pour « trafic d’influence », « détournements de fonds publics » et « faux en écriture publique et usage » notamment.
La menace de NSO
Parmi les principaux acteurs de l’affaire « Pegasus », il y a également l’entreprise israélienne spécialisée dans la sécurité informatique, NSO. Dans des déclarations accordées à la chaîne d’information israélienne i24, un responsable de l’entreprise a affirmé que le président français Emmanuel Macron n’a pas été ciblé dans le cadre de l’utilisation du logiciel de surveillance.
Chaïm Gelfand, le cadre de NSO qui est intervenu sur la chaîne israélienne, a également affirmé que toute utilisation du logiciel sur un journaliste ou un militant relèverait du « détournement ». On rappellera néanmoins que dans le cadre de l’arrestation du baron de la drogue mexicain El Chapo, une journaliste mexicaine liée à celui qui est également connu sous le nom de Joaquin Guzman avait été surveillée. Des faits reconnus par l’un des fondateurs de l’entreprise, Omri Lavie, dans une interview accordée à CNN en mars 2019.
NSO a également réagi aux récentes accusations formulées par le collectif Forbidden Stories à travers deux communiqués. Le premier, publié le 18 juillet, accuse le collectif regroupant 17 médias de publications de « fausses hypothèses et des théories non corroborées ». L’entreprise basée à proximité de Tel-Aviv affirme que les sources du collectif médiatique ont fourni des « informations n’ayant aucune base factuelle comme en témoigne l’absence de documents corroborant ces accusations ».
Selon NSO, la production médiatique du consortium sur le sujet serait basée « sur une mauvaise interprétation de certaines données rendues accessibles et d’informations manifestement basiques ». L’entreprise israélienne affirme également envisager des poursuites judiciaires.
NSO sous silence
Dans un second communiqué publié le 21 juillet, et intitulé « trop c’est trop », NSO indique qu’elle ne répondra plus aux sollicitations médiatiques sur le sujet. L’entreprise israélienne y indique également qu’elle n’utilise pas le logiciel qu’elle a conçu et signale « ne pas avoir accès aux données de [ses] clients ».
L’entreprise indique également que les listes de cibles évoquées par le collectif Forbidden Stories n’est pas une liste de « cibles ou de potentielles cibles de Pegasus » et affirme que « les numéros de cette liste ne sont pas liés au NSO Group ».
Le groupe insiste également sur le fait que « toute information selon laquelle un nom figurant dans cette liste est nécessairement lié à une cible de Pegasus ou Pegasus est erronée et fausse ».