Cette semaine, le Boualem a changé de voiture. Il ne s’est résolu à se lancer dans cette opération qu’après avoir acquis la conviction qu’une seule journée de plus dans sa ZakariaMobile était un danger pour son intégrité physique. Il faut préciser que notre homme n’entretient avec cet objet aucune espèce de relation d’intimité. Il ne fait pas partie de ces gens qui y voient un manifeste de leur situation sociale, encore moins un étendard pour leur statut.
Il monte dans sa voiture pour se déplacer, voilà tout. Il ne prend pas pour une attaque personnelle la moindre égratignure, ne l’orne d’aucune espèce de décoration grotesque, donne les clés à tous ceux qui veulent bien la garer pour lui, et s’en occupe juste assez pour qu’elle puisse continuer à rouler sans s’effondrer au moindre dos d’âne.
Terminons en signalant qu’il prête très peu d’attention aux modèles qui roulent autour de lui, qu’il confond à peu près tous. Car le temps est bien passé des couleurs vives, des audaces des constructeurs et des formes chatoyantes. Aujourd’hui, à ses yeux, les rues sont pleines de gros véhicules arrondis noirs ou gris, que seul un œil averti parvient à distinguer. Mais nous ne sommes pas là pour geindre sur l’évolution du design automobile, bien sûr.
“Depuis qu’il est au courant des tarifs pratiqués, le Boualem se demande, le bougre, comment font nos rues pour proposer avec autant de profusion des véhicules aussi onéreux”
Le Boualem s’est donc intéressé au marché automobile, et il a été aussitôt foudroyé par les prix. Depuis qu’il est au courant des tarifs pratiqués, il se demande, le bougre, comment font nos rues pour proposer avec autant de profusion des véhicules aussi onéreux. Ne vous y méprenez pas, notre homme ne nourrit aucune espèce de jalousie envers ceux qui peuvent se payer une voiture au prix d’un appartement, il se contente, par simple curiosité, de s’interroger sur le business model qui a abouti à cette flamboyante réussite.
Revenons à notre sujet, sans nous égarer dans des considérations douteuses, populistes, elles ne mènent d’ailleurs à rien de bon. Zakaria Boualem a donc vendu sa voiture à un semsar et pris un crédit pour un véhicule neuf. La première partie de l’opération a été douloureuse. Il a fallu qu’il fraie avec une corporation coriace, capable de vous convaincre que le simple fait de vous débarrasser de votre épave était une faveur qu’ils vous font. La seconde partie a été une marche difficile dans les méandres de notre bureaucratie, où il a dû légaliser une centaine de pages diverses et variées, se promener à travers six bâtiments et coller des timbres de toutes les couleurs. On rappelle qu’il existe des pays qui fonctionnent très bien sans cette profusion de précautions, et certains esprits chagrins estiment même qu’ils fonctionnent mieux que nous.
Au final, le bougre a réalisé que tout était de sa faute. Il a compris qu’il était complètement bloqué dans un mode de fonctionnement dépassé. Car toutes ces pénibles démarches sont liées à la propriété. Il faut vendre, acheter, inscrire son nom, pour répéter l’opération quelques années plus tard, toujours aussi pénible. Tout ceci devrait être remplacé par un système de location, surtout pour des gens comme le Guercifi qui ne mettent pas leur honneur dans leur voiture. Il n’a que faire qu’elle soit en son nom, il veut juste pouvoir rouler sans se retrouver tous les cinq ans à courir les mouqataâ comme un dératé.
Mais, allez savoir pourquoi, enfermé dans ses réflexes, il n’a jamais envisagé pareille solution, à supposer qu’elle existe et qu’elle soit abordable. Voilà, il est temps d’ouvrir les bras au monde nouveau, il en a pris brutalement conscience en cette semaine pénible. C’est tout pour aujourd’hui, et merci.