Je n’ai pas côtoyé le défunt autant que certains camarades qui l’ont connu depuis très longtemps. Je l’ai directement rencontré pour la première en 1989 au cours du Ve congrès de l’USFP en 1989 qu’il a lui-même présidé. Le parti préparait alors une demande de révision constitutionnelle. C’est à cette occasion que j’ai vu l’homme, modeste et fin orateur. C’est un homme d’exception dans la vie politique marocaine. Il a été capable de conserver ses principes tout en apprenant au long d’un parcours entamé comme résistant.
Ce que les gens ne savent pas, c’est que feu Youssoufi était un excellent journaliste. Sa façon de recueillir l’information et de se concentrer sur les détails qui lui paraissent d’une grande importance faisaient de lui un observateur de grande qualité. Il lui arrivait souvent de prendre son téléphone pour conseiller les camarades sur la meilleure approche journalistique à adopter en fonction des événements qui ont eu lieu. Il avait ce don car il a pratiqué le journalisme très tôt. C’est également un grand défenseur des droits de l’Homme de la première heure.
A son retour d’exil en 1995, j’ai travaillé avec lui sur des dossiers liés aux élections. Comme j’étais hispanophone, et que nous étions concentrés sur les modèles et propositions, Ssi Abderrahmane m’avait demandé de l’aider sur des lois adoptés en Espagne et en Amérique latine et pour synthétiser des lois électorales.
Début des années 1990, lors du jugement de Noubir Amaoui (ex patron CDT et membre Bureau politique de l’USFP) il m’avait donné une recommandation du parlement européen pour l’utiliser dans le cadre du plaidoyer pour la défense de notre dirigeant. Cette recommandation soutenait que les hommes politiques se doivent de rester ouverts d’esprit.
J’ai également été son envoyé en Afrique du Sud lors du premier voyage de la RAM vers ce pays. Au nom du journal Al Ittihad Al Ichtiraki, feu Youssoufi m’avait donné une lettre écrite par ses soins, en anglais, que je devais transmettre à Nelson Mandela sur l’affaire du Sahara. Le grand dirigeant sud-africain était en déplacement à l’étranger, et j’ai dû présenter cette lettre aux responsables de l’ANC.
J’ai ensuite appris via notre ambassadeur à Johannesbourg que cette rencontre avait eu une influence certaine sur la position des dirigeants du parti de Mandela. Mais les choses avaient changé quand il a quitté l’ANC.
Quand il était Premier ministre, nos contacts s’étaient accentués dans le cadre du suivi de l’expérience de l’Alternance. J’étais personnellement au bureau du journal à Rabat, ce qui m’amenait à avoir de longues discussions avec lui.
La dernière fois que nous nous sommes vus, j’ai été très surpris que feu Youssoufi se soit très bien souvenu de moi malgré son âge.