Depuis le temps qu’il fréquente les pages de cet estimable magazine, Zakaria Boualem a vécu des moments étranges à la pelle. On a traversé ensemble des élections foireuses animées par des dauphins et des lanternes, des doustours à grande vitesse, des Coupes d’Afrique lamentables, une guerre contre un fabricant de meubles supposé être suédois, des manifestations mystérieuses, une insurrection numérique contre le postérieur d’une chanteuse, des malhamate horribles, et la liste est encore longue.
Mais jamais il n’a imaginé vivre un truc qui ressemble à ce qui nous est tombé sur la tête. La planète est à l’arrêt, les yeux rivés sur les sites d’information, à se demander si on va s’en sortir, quand et dans quelles conditions… Vous êtes probablement surinformés, il est donc inutile de vous abreuver de conseils, on a tous compris qu’il fallait rester à la maison.
Le Guercifi pourrait bien vous distraire en vous proposant un scénario catastrophe, ce serait assez facile en fait. Imaginez un peu un labo vénal qui découvre un vaccin et qui le surfacture, des contrefaçons dangereuses qui se mettent à circuler, des quartiers populaires qui explosent sous la pression financière du confinement, des gourous qui surgissent pour manipuler les foules, une coupure d’Internet, le retour de la grippe aviaire et l’arrivée des sauterelles…
Mais nous n’irons pas vers ce genre de chronique, il y a déjà suffisamment d’angoisse dans l’atmosphère. Au contraire, nous allons imaginer ensemble un scénario des plus positifs. Un rêve magnifique, que Zakaria Boualem a fait cette nuit, et qu’il souhaite partager avec vous. Laissez-vous aller et ouvrez votre esprit, c’est sans risque.
“Imaginez un instant que les Marocains réalisent qu’ils sont capables de se mobiliser, qu’ils ne sont pas ce troupeau de sauvages égoïstes décrits un peu partout”
Imaginez un instant que nous sortions de cette affreuse crise sans trop de dégâts. Que les Marocains réalisent qu’ils sont capables de se mobiliser, qu’ils ne sont pas ce troupeau de sauvages égoïstes décrits un peu partout, et qu’ils en sortent grandis à leurs propres yeux. Que nous puisions en nous une nouvelle force collective, parfaitement insoupçonnée après des années d’autodénigrement féroce. Imaginez que nous prenions conscience que la science, le savoir, la solidarité peuvent nous sortir des ténèbres. Les cliniques privées se mobilisent, les médecins aussi, les grosses fortunes participent et les volontaires se recrutent à la pelle.
Tout le monde comprend, enfin, qu’il est impossible de continuer à délaisser les plus démunis, que nous nous en sortirons ensemble, ou pas du tout. Et les prédicateurs oublient leurs obsessions vestimentaires et alimentaires pour prêcher la solidarité et la bienveillance. Partout, des initiatives s’organisent et sauvent des vies — et Zakaria Boualem a les larmes aux yeux.
Plus personne ne veut un passeport rouge, il ne sert à rien. Tous ceux qui ont nourri l’illusion qu’il leur permettrait une évacuation sanitaire vers des contrées plus performantes en cas de coup dur se réveillent brutalement et s’impliquent enfin. Nous aurons réussi à former enfin une tribu, unie et forte, comme pendant les 89 premières minutes de Maroc/Iran.
Imaginez qu’au niveau mondial, une nouvelle génération de leaders surgisse suite à cette crise. Qu’ils arrêtent les investissements stupides en armes sophistiquées et qu’ils se mettent à construire des hôpitaux, des écoles pour tout le monde. Imaginez que la fine équipe des populistes aux commandes soit confondue par leur incompétence, et que le chacal orange — pour ne citer que lui — soit jugé pour avoir tenté d’acheter l’exclusivité du futur vaccin.
Imaginez qu’à la vue des eaux claires du canal de Venise, une nouvelle conscience mondiale s’impose, écologique, solidaire et responsable. Que nous sortions de nos confinements respectifs avec un nouveau sens des priorités. Que la course au profit apparaisse enfin pour ce qu’elle est, un suicide collectif. Ce serait beau, n’est-ce pas ? Est-ce qu’une telle révolution ne vaut pas quelques semaines de confinement, après tout ? C’est donc tout pour la semaine, et merci.