CSMD : l’équipe de Benmoussa à l’écoute des militants des droits de l’Homme

Les représentants de la Coalition des associations marocaines des droits de l’Homme ont rencontré les membres de la Commission spéciale sur le modèle de développement, le 25 février à Rabat.

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Réunion de la CSMD avec les membres de la CODHM, le 25 février, au siège de la commission.

La Coalition des associations marocaines des droits de l’Homme (CODHM) a été reçue, mardi 25 février, par les membres de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD). Au programme, la présentation d’un mémorandum sur la situation des droits de l’Homme au Maroc.

Abdelilah Benabdesalam, coordinateur de la coalition, était accompagné d’autres militants, dont Abderrahmane Benameur, Mohamed El Aouni, Abdessamad El Idrissi, Fouad Mesra, Mohamed El Khamlichi et Abdallah Aballagh.

In media res

Passée la phase de salamalecs et présentations, le militant Abdelilah Benabdesalam a d’emblée dénoncé la répression subie par les militants de la coalition. Malgré les différents obstacles, le groupement d’associations dont il est le coordinateur a choisi d’assister à cette rencontre avec la CSMD “pour que ceux qui tiennent les affaires du pays soient mis au courant de la réalité du terrain”.

“Même si la justice donne gain de cause aux associations, dans les faits, le ministère de l’Intérieur fait ce qu’il veut”

Abdelilah Benabdesalam, CODHM

Il révèle que plusieurs associations sont interdites d’utiliser des lieux publics, et que même si elles ont recours à la justice, cela ne sert pas à grand-chose. “Même si la justice leur donne gain de cause, dans les faits, le ministère de l’Intérieur fait ce qu’il veut”, pointe le militant.

Pour Abdelilah Benabdesalam, la répression s’est accentuée lorsque l’ancien ministre de l’Intérieur Mohamed Hassad a déclaré, en 2014, que certaines associations, “sous prétexte de travailler pour les droits de l’Homme”, avaient en réalité un agenda extérieur servant d’autres intérêts.

Indépendance du parquet

Présentant un résumé du mémorandum sur la situation des droits de l’Homme au Maroc, le bâtonnier Abderrahmane Benameur a insisté sur les objectifs auxquels les militants aspirent à travers leur engagement : dignité, égalité et prééminence du droit.

“Le système marocain n’est pas démocratique, c’est comme vouloir planter une bonne graine dans une terre pourrie”

Me Abderrahmane Benameur

Selon l’avocat, la justice marocainen’est indépendante qu’en théorie. En réalité, elle sert d’instrument à l’État afin d’opprimer les revendications et les besoins exprimés par la population à travers les organisations de la société civile. L’expérience de l’indépendance du parquet, qu’il qualifie d’échec, était pour lui prévisible. “Le système marocain n’est pas démocratique, c’est comme vouloir planter une bonne graine dans une terre pourrie.”

Et de rappeler que l’État avait fait plusieurs promesses au sujet des droits de l’Homme, notamment en 2004 avec la création de l’instance Équité et réconciliation. Me Benameur souligne également que le royaume a ratifié plusieurs traités et accords internationaux. “Ce ne sera jamais suffisant tant qu’une condition n’est pas réalisée : la souveraineté et l’effectivité du droit.”

Détention provisoire

Dans la foulée, l’avocat s’attaque au “fléau de la détention provisoire”. Pour lui, le Maroc a connu dernièrement une régression au niveau des libertés qui a été marquée par le recours à la détention provisoire par défaut.

Abdelilah Benabdesalam ajoute quant à lui que dans un contexte de surpopulation des prisons, il est incohérent de garder les prévenus en détention provisoire, particulièrement lorsqu’il s’agit de poursuites pour atteintes aux sacralités ou à un corps constitué.

Liberté de la presse

Me Benameur a par ailleurs abordé la question du Code de la presse. Selon lui, les avancées de ce texte présenté en 2016 sont pertinentes vu “qu’il ne contient aucune peine privative de liberté”.

“Lorsqu’un journaliste est poursuivi, on ne sait pas s’il sera jugé selon le Code pénal ou selon le Code de la presse”

Me Abderrahmane Benameur

Toutefois, l’avocat déplore l’ambiguïté qui perdure sur le terrain. “Aujourd’hui, lorsqu’un journaliste est poursuivi, on ne sait toujours pas s’il sera jugé selon le Code pénal ou selon le Code de la presse.

L’avocat a rappelé qu’une démocratie réelle commençait par une population informée, grâce à une presse libre d’exercer son métier sans crainte.

Devoir de mémoire

La nécessité de conserver les vestiges des années de plomb a également été abordée par les membres de la CODHM. Selon Abdelilah Benabdesalam, plusieurs associations ont demandé à réhabiliter les anciennes prisons et lieux de torture en musées.

“Aujourd’hui, il y a des jeunes qui ignorent ce qu’ont été les prisons sous Hassan II”

Me Abderrahmane Benameur

Toutefois, ces demandes n’ont pas connu de réponse de la part des autorités compétentes, ce qui a mené à l’oubli d’une partie de l’histoire du Maroc chez les plus jeunes. “Aujourd’hui, il y a des jeunes qui ignorent ce qu’ont été les prisons sous Hassan II.”

Me Abderrahmane Benameur déplore que jusqu’à aujourd’hui, l’État marocain ne se soit pas excusé auprès du peuple et des familles des disparus, rappelant que plusieurs associations avaient documenté cette expérience à travers des rapports.

Pour rappel, la CSMD avait décidé, le 24 décembre dernier, d’écouter les institutions et forces vives de la nation, incluant les partis politiques, les syndicats, le secteur privé et les associations. La commission avait également fait savoir qu’elle mettrait en place une plateforme digitale permettant de recevoir et de collecter les contributions et les idées soumises par les citoyens.