L’affaire de la journaliste Hajar Raissouni, condamnée à un an de prison pour “avortement illégal” et “relations sexuelles hors mariage” puis graciée par le roi Mohammed VI, a remis au-devant de la scène le débat sur la nécessité de désenclaver les questions des libertés individuelles. Dans la même lignée, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a adopté, ce 29 octobre, un mémorandum relatif à l’amendement de la loi 10-16 du Code pénal. Cette batterie de recommandations mettant notamment l’accent sur les libertés individuelles sera déposée auprès des présidents des deux Chambres ainsi qu’auprès des différents groupes parlementaires. En voici quatre recommandations saillantes.
Attentats aux mœurs : lever “l’ingérence restrictive excessive” dans la vie privée
Sans détour, l’instance affirme qu’il est devenu “nécessaire de reconsidérer la forme et le contenu” de la section Attentats aux mœurs du Code pénal. “Cette section n’a fait l’objet d’aucune modification, bien qu’elle ait fait l’objet de plusieurs observations adressées au royaume du Maroc. C’est un chantier très important, car c’est l’un des critères qui montre clairement à quel point un Etat respecte la sphère de la vie privée des individus”, indique le CNDH dans son mémorandum.
Et d’ajouter: “le législateur devrait prendre au sérieux cette problématique et s’attaquer aux problèmes posés par une ingérence restrictive excessive dans la vie privée des particuliers”. La criminalisation des relations sexuelles hors mariage doit être reconsidérée tout “en tenant compte des importantes transformations sociales connues par notre pays et des impératifs de protection des personnes, de préservation de leur dignité et de la garantie des valeurs et de la cohésion sociale”.
Le CNDH concède que cette dépénalisation “ne nie pas la nécessité de criminaliser toutes les formes d’exploitation sexuelle, en particulier celles commises contre des mineurs, ni la nécessité de protéger la décence publique sans en exagérer le sens, conformément au principe de la légalité. Bien entendu, cela ne nie pas la nécessité de maintenir la criminalisation des relations sexuelles forcées”.
Le viol : adopter les définitions les plus récentes et criminaliser le viol conjugal
Le CNDH note l’impératif de “modifier la définition du viol pour l’adapter à sa dernière définition en droit comparé et en droit pénal international, en particulier parce que les dispositions sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre inclus dans le projet de loi érigent en infraction le viol sans la définir”.
Car “le viol n’est plus limité aux rapports sexuels forcés d’un homme à une femme ; cela ne concerne pas seulement les femmes, mais aussi les hommes”. De même, l’instance recommande que le viol conjugal soit érigé au statut d’infraction pénale, tout en concédant que “la justice marocaine a souligné dans certains jugements, encore très rares, qu’elle était consciente du caractère délicat de cette question”.
L’avortement : une légalisation pour lutter contre les circuits clandestins
“Une femme enceinte peut décider de mettre fin à sa grossesse si sa poursuite constitue une menace pour sa santé psychologique et sociale, à condition que la durée de la grossesse ne dépasse pas trois mois, sauf dans des cas exceptionnels prescrits par le médecin”, préconise le CNDH dans le document listant les recommandations de son mémorandum. Cette recommandation découle principalement de la nécessité de mettre à jour le cadre législatif qui permettra de faire face “de manière raisonnable” au phénomène de l’avortement clandestin au Maroc.
Sans parler ouvertement de dépénalisation de l’avortement, le CNDH estime que l’amendement des articles 449, 450, 551 et 452 évitera aux femmes et à “un grand nombre d’adolescentes et de jeunes femmes marocaines” de risquer leur vie en ayant recours un avortement clandestin. Une reforme qui permettra aussi de lutter contre les trafiquants qui monnaient les IVG.
La liberté de conviction : une dépénalisation conformément aux traités ratifiés par le Maroc
Le respect de la liberté de croyance est “d’une importance primordiale. Cependant, l’évolution du système juridique marocain, en particulier du système pénal, exige que cette loi soit conforme aux obligations du Maroc vis-à-vis des conventions internationales qu’il a ratifiées et qui protègent la liberté de conviction”. Et de poursuivre : “Il est également régi par les dispositions de la Constitution marocaine, compatibles avec la liberté de conviction, bien qu’elles ne soient pas explicitement énoncées.” Dans ce sens, l’instance recommande, entre autres, la suppression de l’article 222 du Code pénal qui criminalise la rupture du jeûne en public.
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