La grâce royale a corrigé un procès injuste”, a déclaré à l’AFP la journaliste marocaine Hajar Raissouni, libérée le 16 octobre après avoir été emprisonnée pour “avortement illégal” et “relations sexuelles hors mariage”. Son arrestation, fin août, suivie par sa condamnation fin septembre, avaient suscité une vague d’indignation et un débat virulent sur l’état des libertés individuelles au Maroc.
#freehajar, de la mobilisation citoyenne à la grâce royale
Comme après sa condamnation le 30 septembre, la journaliste du quotidien arabophone Akhbar Al-Yaoum a adressé un signe de victoire à sa sortie de la prison d’El Arjat, dans les environs de Rabat. Son fiancé, un universitaire, et son gynécologue ont été libérés en même temps qu’elle, quelques heures après la grâce royale.
La justice avait condamné le jeune couple à un an de prison. Le médecin, un praticien reconnu, autrefois décoré par le roi, avait écopé de deux ans ferme, avec 12 mois de prison avec sursis pour l’anesthésiste – octogénaire – et 8 mois avec sursis pour la secrétaire médicale.
La grâce a été motivée par “la compassion” et le “souci” du roi Mohammed VI de “préserver l’avenir des deux fiancés qui comptaient fonder une famille conformément aux préceptes religieux et à la loi, malgré l’erreur qu’ils auraient commise”, a précisé le ministère de la Justice dans un communiqué.
Le souverain a pris sa décision “sans entrer dans le débat souverain que les citoyens marocains mènent sur l’évolution de leur société et dans lequel se sont invités, de façon regrettable, certains étrangers, intellectuels, médias et ONG”, selon la déclaration d’une source gouvernementale à l’AFP.
La nouvelle de la libération de Hajar Raissouni s’est propagée sur les réseaux sociaux alors que le mot d’ordre #freehajar était devenu viral depuis son arrestation. “Enfin une décision sage et joyeuse”, a écrit sur Twitter Younes Maskine, le directeur de publication du journal Akhbar Al-Yaoum. “La lutte continue contre les lois draconiennes et sexistes”, a lancé la militante féministe Ibtissame Betty Lachgar.
Hajar Raissouni a toujours dénoncé un procès “politique”. Elle affirme depuis le début avoir été traitée pour une hémorragie interne, ce que son gynécologue a confirmé devant la justice. Le jeune couple assurait aussi s’être fiancé dans un cadre religieux, dans l’attente d’un mariage prévu mi-septembre — ensuite contrecarré par leur arrestation.
Ouverture du débat sur les libertés individuelles
“Je suis innocente… J’ai subi une grande injustice et une terrible agression”, a répété la reporter à l’AFP après sa libération. Mais en même temps, elle trouve “sain et utile” le débat soulevé par son arrestation et espère que “son cas servira de locomotive” pour dépénaliser l’avortement, les relations hors mariage, l’homosexualité et la rupture du jeûne en public, actuellement passibles de prison dans le Code pénal marocain. “J’ai toujours défendu le respect des libertés individuelles, surtout que les affaires liées à ces libertés peuvent être instrumentalisées contre des personnes publiques ou des défenseurs des droits humains”, a-t-elle souligné.
Le collectif du manifeste “Hors-la-loi”, signé par plus de 10 000 personnes, a demandé cette semaine au parquet marocain de suspendre l’application des “lois liberticides” punissant de prison le sexe hors mariage, l’adultère et l’avortement. Démarche sans précédent au Maroc, les signataires du manifeste proclament avoir déjà violé les lois “obsolètes” de leur pays sur les mœurs et l’avortement.
Alors que le Parlement discute un projet de réforme du Code pénal, plusieurs ONG de défense des droits humains ont appelé les législateurs à assouplir le Code pénal, pour qu’il soit en phase avec l’évolution de la société. Le texte en cours de débat ne change rien sur les “crimes” visés, à part un léger assouplissement pour l’avortement en cas de viol, d’inceste et de malformation du fœtus, selon les informations concordantes obtenues par l’AFP auprès de différentes sources judiciaires et parlementaires.
Pour rappel, en 2018, la justice marocaine a poursuivi 14 503 personnes pour débauche, 3 048 pour adultère, 170 pour homosexualité et 73 pour avortements, selon les chiffres officiels.
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