Il faut absolument que Zakaria Boualem vous raconte ce qui s’est passé dans la sélection égyptienne cette semaine. Il ne s’agit pas de foot, les amis, rassurez-vous, mais de sexe. C’est comme ça que ça se passe dans notre partie du monde, on ne sait pas trop pourquoi: tout débat, lorsqu’il atteint une certaine ampleur, concerne forcément un sujet sexuel.
Vous pouvez vérifier par vous-même, c’est valable dans tous les domaines: la plus grande discussion cinématographique de notre histoire concernait Much Loved et il y était peu question de mise en scène ou d’interprétation, non. La première empoignade numérique majeure de notre pays sur un sujet musical concernait le postérieur de Jennifer Lopez, elle a été suivie par d’autres, toujours liées au sexe.
Quels sont nos scandales politiques récents? Des histoires de coucheries. Vous pouvez continuer la liste tout seuls, c’est facile. C’est ainsi, nous avons basculé dans le scabreux, et on n’y peut rien. Revenons à l’équipe égyptienne de foot et restons concentrés, voici l’affaire. Il y a quelques jours éclataient à la face de l’opinion publique les vils agissements d’un des joueurs de l’effectif. Le bonhomme, en roue libre côté libido, s’était constitué un palmarès épouvantable de harceleur sexuel.
Une première victime s’est plainte, suivie par plusieurs autres et, en quelques heures, les réseaux sociaux se sont trouvés inondés de captures d’écran illustrant sa goujaterie. La fédération égyptienne l’a donc viré de l’effectif, et merci. On aurait pu en rester là, mais non. Les autres joueurs de l’équipe ont estimé judicieux de lui dédicacer les buts marqués en son absence, et l’idole de la nation, Mo Salah himself, s’est fendu d’un tweet ambigu à son sujet.
Il y affirmait, en gros, que ce n’était pas bien de harceler, mais bon, faut pas exagérer, tout le monde a droit à une seconde chance, hein, on ne va pas le décapiter quand même, et puis c’est avant tout une question d’éducation n’est-ce pas? Vous connaissez la formule: le noyage de poisson classique, où on renvoie dos à dos les victimes et les coupables dans un grand flou confortable. Et voici le footballeur de retour dans l’effectif, glorieux et souriant. Encore une fois, on aurait pu en rester là, mais non. Les réseaux sociaux égyptiens reviennent à la charge.
“Il s’est trouvé des braves qui ont défié la sacralité suprême en Egypte – leur équipe nationale – pour défendre le droit des femmes”
Un hashtag est lancé, en arabe, où l’équipe égyptienne est présentée comme la sélection des harceleurs, puis un second, qui incrimine Mo Salah. Voilà où nous en sommes. Il est très probable que cette affaire va se tasser très vite, surtout si les Egyptiens gagnent. Mais ce n’est pas ce que Zakaria Boualem va retenir de cette affaire. Contrairement à son habitude, il est optimiste, et voilà pourquoi: il s’est trouvé des braves qui ont défié la sacralité suprême en Egypte – leur équipe nationale – pour défendre le droit des femmes.
Des gens qui ont attaqué en pleine compétition le symbole de la nation au nom de principes, qu’ils ont jugés plus importants qu’une victoire en Coupe d’Afrique. Ils ont brisé ce nationalisme de pacotille pour lui préférer un vrai patriotisme basé sur la volonté de construire un pays plus digne. Ce n’est pas rien. Et si les choses doivent bouger, c’est par la force de ce genre de chocs. Tout débat est une victoire, les amis. C’est le fait de se taire qui est un échec.
Voilà pourquoi le Guercifi voudrait rendre hommage aux Egyptiens qui ont dénoncé le retour du footballeur et critiqué la position de l’idole nationale. Et dans la foulée, il encourage tous ceux qui en ont marre de voir les jeunes filles et les femmes raser les murs dans nos rues à faire pareil. Il peut s’agir de femmes ou d’hommes, bien sûr.
Car oui, même Zakaria Boualem souffre. Certes, personne ne l’a jamais harcelé, et son désagrément ne saurait être comparé à celui des victimes, mais son orgueil est maltraité, blessé de se voir assimilé à une espèce incapable de maîtriser ses instincts. Il faut donc parler, protester, geindre, s’insurger, secouer les consciences… C’est une question d’honneur, et merci.