Depuis le début de l’année, un climat morose s’installe sur le marché automobile marocain. Après avoir écoulé un peu plus de 177.000 véhicules en 2018 (croissance annuelle de 5,2%, légèrement en deçà des années précédentes), 2019 marque un coup d’arrêt avec une baisse de 13,7% sur le premier semestre. Qu’est-ce qui ne tourne pas rond ?
Salon auto et arrêt du taux à 0%
Pour les spécialistes du secteur, différents facteurs expliquent la chute des ventes au cours de la première moitié de 2019. L’effet dopant du Salon de l’auto (qui a lieu tous les deux ans, NDLR) en avril 2018 commence à s’estomper. En outre, le boom des achats automobiles qui est observé à cette période dénature, pour certains professionnels, la comparaison faite sur la même période en 2019.
“Il ne faut pas comparer 2019 à 2018. Qu’on le veuille ou non, le premier semestre d’une année avec salon par rapport à un début d’année sans salon, est forcément un peu plus fort. Quand on compare les premiers semestres 2019 à 2017, on observe une chute de 6 points. Si on prend les 5 points de croissance de l’an dernier et les 6 points de décroissance en 2019, ça fait environ une baisse de 10 points et non 13”, nous explique Adil Bennani, directeur général d’Auto Nejma et président de l’Association des importateurs d’automobiles (AIVAM).
Si elle est à relativiser, cette baisse d’activité pourrait également être liée à la fin du crédit à taux 0%, qui était pourtant le moyen de financement automobile préféré des Marocains. En mars 2019, Bank Al-Maghrib tirait la sonnette d’alarme sur cette méthode de recours au crédit. Très peu rentable, ce produit serait devenu “toxique” pour les établissements financiers qui en auraient abusé. La banque centrale avait alors exigé sa suspension à compter d’avril 2019. Contacté à cette période, Aziz Cherkaoui, PDG de l’établissement de crédit Salafin (filiale de BMCE), expliquait : “Il y avait clairement un problème de rentabilité sur ces opérations […] Ce sont des produits promotionnels ou alors d’appel qui ne pouvaient, en aucun cas, être étendus à l’ensemble du financement. Or, le crédit gratuit tendait à devenir, à la fin, l’unique moyen de financement automobile”.
Mais pour le président de l’AIVAM, les principales raisons du ralentissement des ventes se trouvent également ailleurs.
Taxis, confiance et contrôle fiscaux
La fin de la subvention octroyée aux taxis pour le renouvellement du parc national a également joué un rôle dans le ralentissement des ventes de véhicules. Adoptée en juillet 2014 et financée par un fonds du ministère de l’Intérieur, la cessation de cette subvention a mis à mal le marché. Elle se chiffrait à 50.000 dirhams pour un petit taxi et 80.000 dirhams pour un grand taxi. Les conditions : mettre son vieux taxi au rebut pour bénéficier d’une subvention pour acquérir un véhicule neuf, moins polluant. “La subvention n’a pas été reconduite sur une partie de l’année 2018 et sur la totalité de l’année 2019. L’année en cours est donc une année vide concernant les subventions taxis”, explique Adil Bennani qui affirme que la subvention coûtait “entre 700 millions et 800 millions de dirhams par an”.
A fin mai 2018, près de 40.000 voitures avaient été acquises grâce à ces subventions et affectées comme taxi. Adil Bennani fait le calcul pour mesurer l’impact sur le secteur : “L’an dernier, 177.000 voitures ont été vendues. Sachant que l’arrêt de la subvention a fermé la porte à la vente de 12.000 véhicules neufs, ce sont 6 à 7 points de croissance perdus”.
S’ajoutent à cela, un contexte économique morose et une perte de confiance des ménages dans l’avenir. Pour le président de l’AIVAM, “certains facteurs macroéconomiques ne sont pas rassurants. Croissance, emplois, chômage, investissements… Certains ménages retardent le renouvellement de leur véhicule, malgré la fin de leur crédit automobile. Ils préfèrent ne pas s’engager dans un autre crédit. Cela impacte les ventes de facto. Concernant les primo-accédants, le besoin de mobilité est là, mais nos estimations montrent que leur nombre diminue”. Pourquoi ? “Le pouvoir d’achat et le manque d’accès à l’emploi”.
Voilà qui explique la baisse des ventes de véhicules de milieux de gamme, mais la baisse se manifeste également sur les gammes premium de véhicules. Cette fois-ci, la cause pourrait se nicher ailleurs pour Adil Bennani : “L’année est morose, en particulier dans le segment premium, car il y a eu, l’année dernière, des contrôles fiscaux à répétition. Donc, les gens repoussent l’achat de véhicules chers, de peur d’apparaître dans les radars de l’administration fiscale…”.