Au Maroc, la croisière ne s'amuse plus

Le Maroc a connu une croissance moyenne de 10% sur les arrivées de touristes en 2018. Néanmoins le secteur des croisières souffre depuis des années et a enregistré une baisse d'activité de près de 50% en moins de 10 ans.

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Le secteur des croisières souffrent de mauvaises pratiques et d'une mauvaise réputation au Maroc Crédit : Wikipedia.

Le tourisme est un pilier de l’économie marocaine. Malgré une hausse de 10% du nombre de touristes dans le pays en 2018, une partie du secteur est en perte nette de vitesse depuis plusieurs années. Il s’agit des bateaux de croisières. En 2010, les côtes marocaines attiraient 500.000 croisiéristes contre 227.000 en 2018. Sur la seule année 2017, l’activité a connu un recul de 36,4% avec seulement 222.524 croisiéristes contre 339.000 l’année précédente. Pourquoi donc ce secteur est-il en berne alors que le reste de l’économie touristique croît à un bon rythme?

“Un accueil honteux”

Cela s’explique surtout par des erreurs que nous avons commises en accueillant les croisiéristes dans des conditions déplorables dans plusieurs ports du pays. Ils venaient malgré tout, car il n’y avait pas d’autre alternative”, déplore Jalil Madih, président d’Alizés Travel. Pour le chef d’entreprise, le Maroc manque cruellement d’infrastructures pour accueillir les visiteurs venus par la mer. A titre d’exemple, l’homme d’affaires cite le port de Casablanca : “Il n’existe pas de quai dédié à cette activité. Du coup, les passagers débarquent à côté de monticules de marchandises”.

Par ailleurs, “les pratiques des guides touristiques sont également fortement pénalisantes pour les croisiéristes. Quand les guides voient un arrivage de 2.000 personnes, ils y voient une belle opportunité financière”, regrette-t-il.

Pour un autre professionnel du milieu portuaire interrogé par nos soins, le mal s’explique également par contexte international tendu. “L’instabilité et l’image des printemps arabes ont depuis 2011 fait vaciller les croisières en Afrique du Nord. Le Maroc a opté pour un niveau de sécurité portuaire de niveau 2 (qui correspond à la menace potentielle sur une échelle où le niveau 3 signifie la “menace imminente”, NDLR) de façon préventive, mais les passagers prennent garde à ce genre de signaux et cela les détourne des destinations marocaines”.

Les armateurs désertent

Toutes ces conditions ont fait que cette partie du tourisme a été désertée par les propriétaires de bateaux comme Costa Croisières qui a diminué drastiquement ses escales vers le Maroc. “Nous travaillons avec un paquebot Costa à Casablanca. Sachez que cet armateur nous proposait 120 escales au Maroc il y a peu. L’an prochain, elle n’en fera que trois”, se désole notre interlocuteur.

Depuis plusieurs années, c’est le système de questionnaire de satisfaction client qui a permis aux compagnies maritimes de benchmarker quelles destinations étaient les plus prisées et appréciées par leur clientèle. L’insatisfaction des clients reste la raison principale de la désertion du Maroc par les armateurs .

Il faut y ajouter les “coûts de l’infrastructure portuaire qui chiffre énormément”, relève Jalil Madih. “Si les retours sont mauvais en permanence, ce qui a été le cas sur les dernières années au Maroc, l’armateur fait sauter la destination, car elle ne donne pas de satisfaction et entache l’image de marque”, explique le président d’Alizés Travel.

Opération séduction

Depuis quelques années cependant, le Maroc tente de redonner un nouveau souffle au secteur des croisières. “Je suis à Monaco et je repars dès lundi pour l’Allemagne et la Suisse pour essayer de faire revenir les armateurs. Le Maroc fait des efforts pour essayer de redorer son blason, mais cela ne se fait pas du jour au lendemain”, explique Jalil Madih.

A l’horizon 2020, Casablanca prévoit de se doter d’un nouveau terminal portuaire de 350 mètres de long et 12 mètres de profondeur, accompagné d’un espace de stationnement de navires de plus de 600 mètres pour un total de 379 millions de dirhams. Le tout dans le cadre de l’application de la Vision touristique 2020 développée pour offrir un cadre d’accueil plus aux croisiéristes et booster la capacité d’accueil à 500.000 personnes contre 350.000 aujourd’hui.

A terme, l’objectif est de faire de la capitale économique le leader sur le transport de croisiéristes. “Heureusement que l’ONMT et le ministre du Tourisme ont pris les choses à bras le corps. Tout est fait pour les faire revenir (les armateurs, NDLR). Il y a l’Agence nationale des ports (ANP) qui construit des ports et des terminaux comme à Casablanca et à Safi”, déclare le patron d’Alizés Travel.

Notre source, professionnelle du milieu portuaire, se veut plus nuancée : “S’il n’y a pas de vision globale à l’échelle nationale, ça ne servira à rien. Il faut de la police, des professionnels formés, des infrastructures adéquates et un contrôle des activités. Avec en moyenne 50€ de dépenses par personne, c’est une manne financière non négligeable qui arrive dans les caisses de la destination”.