C’était le moyen de financement automobile préféré des Marocains. Le prêt à taux zéro, apparu il y a quelques années pour doper les ventes de véhicules, s’est peu à peu généralisé auprès des sociétés de financement, au point de devenir le crédit automobile le plus sollicité dans le pays. “Depuis vingt ans, portée par la modernisation de l’offre, des gammes de voitures plus étendues, l’arrivée de nouvelles marques, une dynamique s’était installée, détaille Aziz Cherkaoui, PDG de l’établissement de crédit Salafin, filiale de BMCE. Puis les sociétés de financement se sont greffées là-dessus. En simplifiant l’accès, le coût des procédures a été réduit au fur et à mesure. Les sociétés de financement ont été un catalyseur des ventes automobiles”.
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Cependant, en mars 2019, Bank Al-Maghrib sonne le tocsin pour le crédit à 0%. Très peu rentable, ce produit, en se propageant, serait devenu “toxique” pour les établissements financiers qui en auraient abusé. La banque centrale exige alors sa suspension à compter d’avril 2019. “Il y avait clairement un problème de rentabilité sur ces opérations, explique Aziz Cherkaoui. Ce sont des produits promotionnels ou alors d’appel qui ne pouvaient, en aucun cas, être étendus à l’ensemble du financement. Or, cette pratique s’est tellement généralisée que le crédit gratuit tendait à devenir, à la fin, l’unique moyen de financement automobile. On avait largement dépassé les 50% et cela a commencé à affecter la viabilité de ces opérations”.
“Comparer ce qui est comparable”
Un mois après la fin officielle du crédit gratuit les chiffres des ventes d’automobiles s’effondrent: 12.305 véhicules écoulés, contre 22.358 en avril 2018, soit une chute de 45%. La fin du crédit gratuit a-t-elle précipité le secteur dans la crise? Certains concessionnaires n’hésitent pas à l’affirmer. “Il faut comparer ce qui est comparable, tempère pour sa part Adil Bennani, directeur général d’Auto Nejma et président de l’Association des importateurs d’automobiles (AIVAM). En avril 2018, il y a eu le salon Auto expo. Or tout le monde sait que les ventes explosent à ce moment-là”.
En effet, par rapport à avril 2017, les ventes d’avril 2019 n’affichent qu’un léger recul de 8%. Il n’y a donc pas le feu, même si depuis le début de l’année, les résultats des ventes d’automobiles ne sont pas encourageants. “Au premier trimestre 2019, alors que le financement gratuit existait encore, le marché montrait un recul de 3% par rapport à 2017. Ceci prouve bien que nous vivons une année médiocre, et ce indépendamment de la disparition du crédit gratuit”, tranche Adil Bennani.
Si son pouvoir de nuisance est à relativiser, la suppression du prêt à taux zéro, associée à la situation morose actuelle du marché automobile, pourrait avoir certains effets indésirables. “Les crédits ont baissé dans les mêmes proportions que les ventes d’automobiles, signale Aziz Cherkaoui. Il se peut que la conjoncture, qui est dictée par les besoins des consommateurs, soit actuellement en berne. Avec la disparition du crédit à taux zéro, il se peut également que les clients choisissent d’attendre ou de reporter leur décision d’achat, en pensant que la mesure n’est que temporaire et préférant attendre que le crédit revienne”.
Le retour des ristournes
Un attentisme forcé qui devrait être levé une fois que les clients se rendront à la réalité, d’autant que les concessionnaires ont plus d’un tour dans leur sac. “Une bonne moitié des achats de véhicules à crédit s’opérait avec le financement à taux zéro, et cette pratique ne cessait de prendre de l’ampleur. Alors, bien sûr, quand ça s’arrête, le consommateur lambda est un peu perturbé. Mais avec la disparition du financement à taux zéro, les importateurs vont recommencer à offrir des remises aux clients, qui étaient plus rares ces derniers temps”, explique le patron d’Auto Nejma.
Selon lui, les raisons des contre-performances actuelles de l’automobile sont à chercher dans un endroit plus inattendu que les établissements de crédit: la Direction générale des impôts. “L’année est morose, en particulier dans le segment premium, car il y a eu, l’année dernière, des contrôles fiscaux à répétition. Donc, les gens repoussent l’achat de véhicules chers, de peur d’apparaître dans les radars de l’administration fiscale”, confie l’importateur.
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