Assises de la fiscalité : Les 19 propositions du PPS

Le Parti du progrès et du socialisme (PPS) a partagé sa contribution aux Assises de la fiscalité, prévues les 3 et 4 mai à Skhirat. Il s'agit de 19 propositions émises par le parti de gauche pour participer au grand chantier de la réforme du système fiscal marocain. Les détails.

Par

Nabil Benabdallah, secrétaire général du PPS. Crédit: Rachid Tniouni/TELQUEL

Le Parti du progrès et du socialisme (PPS) veut contribuer aux Assises de la fiscalité et il le fait savoir. Dans un document publié ce jeudi, le parti au livre évoque les différentes formes d’injustice fiscale qui font régner une relation de “méfiance entre l’administration fiscale et les contribuables”, avant de lister les 19 propositions du parti qui seront présentées lors des Assises de la fiscalité, prévues les 3 et 4 mai à Skhirat. Son objectif ? Participer à la mise en place d’une “vraie réforme fiscale” au Maroc.

Pour le parti au livre, cette contribution “s’inscrit parfaitement dans la note de cadrage élaborée à cet effet par le Ministère des Finances”. La formation dirigée par Nabil Benabdellah estime que ses propositions “répondent à une attente et à une exigence exprimée depuis fort longtemps par divers milieux, dont le PPS”, informe la note de propositions. Mais aussi puisque ces assises “doivent aboutir à un projet de loi-cadre qui sera adopté selon le processus législatif en vigueur et mis en œuvre progressivement dans un délai de 5 ans”, poursuit la même source.

Un système fiscal défaillant

Pour justifier sa contribution, le parti du Livre évoque de multiples dysfonctionnements qui font que le système fiscal marocain soit “injuste et peu productif”. Dans ce sens, le document rappelle plusieurs cas d’injustice fiscale, par exemple, 62 % des 16.000 médecins au Maroc paient moins de 10.000 DH d’IR par an, 5.000 commerçants grossistes versent moins de 5.000 dirhams d’IR ou d’IS par an, et 47.000 entreprises du commerce de gros réalisent un chiffre d’affaires annuel de 53 milliards de dirhams, sans déclarer de résultats.

Le document évoque également les pertes engendrées par les dérogations fiscales. “Sur la période 2006 à 2013, les dérogations fiscales ont totalisé la somme hallucinante de 234 Md DH, soit 1.3 fois les recettes fiscales prévues en 2014 ou plus de 28% de la richesse produite chaque année”.

Elargir l’assiette fiscale

Après une présentation de l’état des lieux du système fiscal marocain, le parti du Livre a dressé une liste de propositions “concrètes”, avec l’ambition de faire déboucher les Assises de la fiscalité sur “une nouvelle ère marquée par l’instauration de relations de confiance entre l’administration des impôts et les contribuables”, souligne le document.

Ces propositions vont dans le sens de l’élargissement de l’assiette fiscale, notamment à travers la lutte conte l’évasion et la fraude fiscale et l’inclusion fiscale du secteur informel. Le parti a également suggéré de rationaliser les dépenses fiscales selon des critères transparents et démocratiquement élaborés, et d’instaurer plus de justice fiscale et d’équité fiscale. L’encouragement de l’épargne productive et de l’investissement créateur de richesses et d’emplois est également évoqué par le Parti, qui appelle aussi à la simplification des taux et des procédures, et au renforcement de la souveraineté fiscale du pays.

Les 19 propositions du PPS

  1. Élargir l’assiette de l’impôt en réduisant significativement les exclusions du champ d’application et les exonérations, faire en sorte que les dépenses fiscales soient plus simples, plus justes, plus efficaces et moins coûteuses pour le budget général de l’État.
  2. Aligner progressivement les taux d’imposition des revenus non salariaux sur ceux des revenus salariaux,
  3. Supprimer les systèmes de retenue à la source libératoire à taux réduits.
  4. Revoir le barème de l’impôt sur le revenu en relevant le seuil de la première tranche d’imposition à 45.000 DH annuellement, en allégeant les taux des tranches intermédiaires, en augmentant ceux des tranches élevées et en créant un taux marginal de 50% pour les très hauts revenus (supérieurs à 2 MDH par an)
  5. Systématiser l’examen contradictoire des dépenses non professionnelles des contribuables fortunés lorsqu’elles sont en incohérence avec le revenu global annuel déclaré (application effective des articles 29 et 216 du CGI).
  6. Accélérer la mise en œuvre du système d’imposition graduelle des revenus agricoles et appliquer le seuil d’imposition de 5 MDH de chiffre d’affaires annuel à l’ensemble des exploitations appartenant au même groupe ou relevant du même centre de décision.
  7. Introduire dans la fiscalité des entreprises des dispositions de soutien à l’investissement et à la croissance économique: barème progressif de l’impôt sur les sociétés avec un premier seuil à 5% et un taux marginal de 25%, provisions réglementées, exonération des plus-values à long terme, exonération totale dans un premier temps puis partielle après les 5 premières années d’activité des profits réinvestis, amortissements accélérés
  1. Mettre en place un dispositif fiscal très incitatif pour les plans d’épargne salariale et les plans d’épargne en actions et réorienter massivement le régime fiscal de l’assurance-vie vers l’épargne longue investie en actions (à coupler avec les fonds de pension).
  2. Introduire la fiscalité écologique pour accompagner la transition écologique et mettre en œuvre les engagements internationaux pris par notre pays au niveau de la lutte contre le réchauffement climatique. Faire de la fiscalité le fer de lance d’une politique écologique ambitieuse et volontariste préservant les  ressources du pays et protégeant les intérêts des futures générations.
  3. Faire de l’inclusion de l’économie informelle (2,4 millions de personnes employées pour près de 410 MMDH de chiffre d’affaires, selon le HCP) et de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, une priorité absolue : cartographier la fraude au niveau géographique et sectoriel, élaborer une monographie fiscale des techniques de fuite devant l’impôt, renforcer les moyens et les effectifs des services du contrôle fiscal et augmenter les objectifs de recouvrement (10,8 MMDH recouvrés en 2015 suite au contrôle fiscal sur place et sur pièces pour un total de 206 MMDH de recettes fiscales soit 5% environ) , mettre en place un plan de lutte ambitieux contre l’économie souterraine, les fausses factures, les ventes sans facture, les déductions abusives, les pratiques de fraude internationale liées aux prix de transfert et aux sociétés offshore domiciliées dans les paradis fiscaux ou bancaires, procéder à un ciblage plus pertinent des contribuables «à risque», qui feront l’objet d’un contrôle fiscal plus méthodique et plus récurrent.
  4. Ouvrir la réflexion, en coordination avec les instances internationales, au sujet de l’introduction d’une fiscalité sur le commerce électronique appelé à prendre plus d’importance à l‘avenir.
  5. Élaborer une loi sur les signes extérieurs de la richesse pour dissuader les fraudeurs et ceux qui ont recours aux techniques astucieuses et frauduleuses de l’optimisation fiscale.
  6. Instaurer un taux de TVA majoré sur les produits dits de luxe en veillant, bien entendu, à en exclure tous ceux qui pourraient favoriser une activité de contrebande.
  7. Résoudre définitivement la question du boutoir et respecter les règles de la neutralité de la TVA.
  8. Permettre aux contribuables de bénéficier de crédits d’impôt pour les frais de santé et de scolarité.
  9. Instaurer une fiscalité sur le patrimoine et un impôt sur la fortune.
  10. Élargir le champ d’application de la fiscalité locale en identifiant de nouvelles sources de revenus (taxe sur l’électricité, redevance sur les déchets, versement transports, révision du taux de la taxe sur les terrains non bâtis, etc.), moderniser les impôts locaux et rendre leur assiette plus dynamique et plus en phase avec l’évolution du PIB et le développement de la régionalisation.
  11. Renforcer les droits des contribuables : simplifier les procédures administratives relatives à la déclaration, au recouvrement et au contrôle de l’impôt, fusionner les services de la DGI et de la TGR et créer des guichets fiscaux uniques, revaloriser le statut des vérificateurs, nommer des médiateurs fiscaux régionaux, renforcer la charge de la preuve incombant au fisc, publier la jurisprudence de la Commission nationale du recours fiscal ….
  12. Élaborer un rapport annuel sur les recettes fiscales qui sera porté à la connaissance de SM le Roi et, le cas échéant, fera  l’objet d’un débat au parlement.