Les lieux de stockage des données des utilisateurs marocains, l’usurpation d’identité, ou encore le droit à l’oubli étaient au menu de la rencontre entre les experts de la Commission nationale du contrôle de la protection des données à caractère personnel et une délégation de Facebook le 11 avril dernier à Rabat.
Le Maroc espère davantage de transparence dans le traitement des données personnelles de ses utilisateurs. “Ce que nous demandons, c’est que les données soient stockées soit localement soit dans des pays jugés adéquats avec des niveaux de sécurité qui ne soient pas inférieurs à ceux du Maroc. Nous ne savons pas ce qu’il en est aujourd’hui, c’est pour cela que nous avons posé la question à l’entreprise Facebook”, nous explique Omar Seghrouchni, président de la CNDP.
Parmi les demandes adressées à Facebook, figure aussi le traitement des plaintes collectées par la CNDP et liées à l’atteinte à la vie privée, à l’image ou à l’éthique, à l’usurpation d’identité, au droit à l’oubli, à la géolocalisation et au profilage par les réseaux sociaux du groupe Facebook.
La CNDP a également demandé à Facebook de rendre des comptes sur les différents interlocuteurs sur le territoire marocain. Ceci est dû au fait qu’aucune entité juridique de Facebook n’est présente sur le sol marocain. Le groupe de Mark Zuckerberg ne dispose en effet d’aucune de raison sociale, de bureaux ni d’employés au Maroc. Ce qui signifie, fiscalement et juridiquement parlant, que le réseau social échappe au contrôle des autorités marocaines.
Pour appuyer ses revendications, le Maroc compte sur la dynamique insufflée par l’Europe sur le sujet des données personnelles. “Nous souhaitons avancer dans nos échanges avec l’UE et ses autorités pour nous garantir des actions communes. Mais nous ne demandons pas d’aide à proprement parler”, explique Omar Seghrouchni.
Un potentiel coercitif?
A quoi faut-il s’attendre si les récentes demandes de la CNDP ne sont pas satisfaites ? Difficile d’imaginer le Maroc adopter une approche coercitive face à un géant comme Facebook. “Le Maroc est souverain. Si une entreprise ne souhaite pas appliquer les règles nationales, peut-être que son service se verra banni du Maroc. Le citoyen ne peut pas demander que ses données soient protégées et être réfractaires au fait que l’on prenne des décisions coercitives”, clarifie le patron de la CNDP.
Mais le Maroc fait-il le poids face à un tel géant pour lui imposer une réglementation ? La question a le mérite d’être posée quand l’on sait par exemple que le marché publicitaire local est en effet estimé à 550 millions de dirhams (57 millions de dollars). Un chiffre qui ne représente que 0,1% du chiffre d’affaires mondial de Facebook, estimé à plus de 55 milliards de dollars.
“Mais y a-t-il une seule protection sur nos données aujourd’hui? La question est là. Il n’y en a aucune! Elles appartiennent aux GAFA, et tout le monde est logé à la même enseigne. La seule différence sur les pays, c’est une conscience politique et légale”, estime Zouheir Lakhdissi, PDG de Dial Technologies, une entreprise opérant dans le domaine du digital.
Une des solutions serait de développer un réseau social local où le Maroc détiendrait la totalité des données et qu’il contrôlerait à 100%. C’est ce qu’a fait la Chine par exemple, avec ses réseaux sociaux nationaux Weibo et WeChat , pour se protéger de l’hégémonie des géants de la Silicon Valley. “La territorialité est la clé dans cette affaire. La donnée aujourd’hui, elle n’est pas au Maroc et il n’y a rien que l’on puisse faire. Le second gros problème, c’est un manque de conscience politique autour de cette problématique”, explique Zouheir Lakhdissi.
Alors que les GAFA détiennent des données stratégiques sur les citoyens marocains, pour le patron de Dial Technologies, “le moindre mal serait d’être visé par des publicités de manière à permettre à Facebook de gagner de l’argent, mais le pire serait des campagnes d’influence ou de déstabilisation politique. Les dérives peuvent être nombreuses”.