Dans la cathédrale de Rabat, entourée d’un dispositif de sécurité étanche, le pape a expliqué aux petites communautés chrétiennes que l’important n’était pas d’être nombreux mais d’illustrer très concrètement les enseignements de l’Eglise.
“Continuez à vous faire proches de ceux qui sont souvent laissés de côté, des petits et des pauvres, des prisonniers et des migrants”, a conseillé le pape, qui avait rencontre la veille 80 migrants dans un centre humanitaire Caritas.
En revanche, “les chemins de la mission ne passent pas par le prosélytisme, qui conduit toujours à une impasse”, a fortement insisté le pape. “S’il vous plait, pas de prosélytisme!”, a-t-il martelé en sortant de son texte, “l’Eglise croît non par prosélytisme mais par le témoignage”.
La remarque récurrente du pape prend une résonance particulière dans un pays où le prosélytisme actif auprès de musulmans marocains peut valoir jusqu’à trois ans de prison. En revanche, les musulmans ont en théorie le droit de se convertir si c’est leur propre choix, une ouverture notable par rapport à d’autres pays comme les Emirats arabes unis où la conversion encourt la mort.
Le roi Mohammed VI, présent samedi toute l’après-midi au côté du pape à l’exception de la rencontre plus confidentielle avec des migrants, avait précisé: “je protège les juifs marocains et les chrétiens d’autres pays qui vivent au Maroc”.
Il n’a donc fait aucune référence à l’existence très discrète de milliers de Marocains convertis au christianisme, qui se gardent de passer la porte d’une église et plaident depuis 2017 pour bénéficier pleinement de la liberté de culte inscrite dans la Constitution.
A l’intérieur de la cathédrale de Rabat, pavoisée et repeinte à neuf pour l’occasion, des représentants religieux, des prêtres et des soeurs, venus du Maroc mais aussi d’autres pays d Afrique de l’Ouest, ont accueilli le pape avec émotion, ponctuant son arrivée de youyous et d’applaudissements, immortalisant le moment avec leurs téléphones portables.
Le pape les a remerciés pour leur “présence humble et discrète”, embrassant leur doyenne soeur Ersillia Mantovani, 97 ans, une Italienne franciscaine qui vient de célébrer 80 ans de vie religieuse. Avant de participer à un bain de foule chaleureux, au cours duquel certaines soeurs ont malicieusement posé un baiser sur son anneau pontifical.
Un prêtre avait pourtant averti les quelque 400 personnes présentes dans la cathédrale que le souverain pontife n’aimait pas cette pratique, qui peut propager des microbes entre fidèles.
Le pape a salué avant de partir les représentants du Conseil des Eglises chrétiennes du Maroc, créé pour promouvoir le dialogue oecuménique, qui réunit églises catholique, anglicane, évangélique, grecque orthodoxe et russe orthodoxe.
Quelques centaines de fidèles, originaires d’Europe ou d’Afrique subsaharienne, attendaient aussi avec impatience la sortie du pape de la cathédrale, au coeur du vieux Rabat. “Viva papa!”, s’est époumoné un fidèle.
“La visite du pape montre que le vivre-ensemble est possible au Maroc”, a commenté Antoine, un Nigérian de 36 ans. Mais “il y a des choses à améliorer, notamment la question des migrants et celle des chrétiens marocains”, nuance cet homme qui travaille à Rabat dans une association de défense des droits des migrants.
“On s’est réveillés à 03H00 du matin pour être ici”, a confié Iris, une Française qui vit “trois mois par an” à Essaouira, à 450 km au sud de Rabat. “Voir le pape à Rome c’est quelque chose, mais le voir à Rabat, s’en est encore une autre”, a ajouté la retraitée qui a trouvé l’homélie du pape “émouvante et réelle”.
Dans la matinée, le souverain pontife s’était aussi rendu dans un centre social géré par des soeurs et des bénévoles à une vingtaine de km de Rabat, doté notamment d’un centre de soins où le pape a salué des petits malades.
Très attendue par la petite communauté portée par les fidèles originaires d’Afrique subsaharienne, le point d’orgue de la journée sera toutefois la célébration d’une messe dans un complexe sportif couvert.
Le Maroc compte environ 30.000 catholiques, dix fois moins qu’avant son indépendance, en 1956. Il y avait 200 églises à l’époque de la colonisation française et espagnole, il en reste aujourd’hui 44.