L’ordre géopolitique et économique mondial est en mutation. Les pays de l’Est et du Sud de la planète prennent la première place au détriment de l’hégémonie imposée jusqu’à aujourd’hui par l’Occident. Au-delà de leur singularité en tant qu’Etats souverains, la globalisation transforme l’Espagne et le Maroc en un espace commun.
Les deux pays sont les deux piliers d’un même pont, qui relie le bassin atlantique à la côte méditerranéenne et l’Afrique occidentale et les deux Amériques à l’Europe et le Proche-Orient.Pour cette raison, les deux gouvernements peuvent et doivent profiter de leur position sur la carte, de leur historique et de leurs solides liens d’amitié et de collaboration pour gagner leur place dans le nouvel ordre mondial, croître d’un point de vue économique, stimuler leur commerce, promouvoir la projection de leurs entreprises sur l’extérieur et améliorer la qualité de vie de leurs citoyens.
Au cours de ces dernières années, l’Espagne s’est consolidée en tant que partenaire commercial principal du Maroc, devant la France. Il est donc important de dynamiser les relations bilatérales et de construire une approche commune à l’égard des intérêts partagés, des problèmes communs et des défis face au challenge que représente la globalisation.
Avec cette conviction, et dans cet objectif, le gouvernement d’Espagne a réactivé les relations bilatérales avec Rabat, placées pendant trop longtemps en arrière-plan. Le président du gouvernement Pedro Sánchez et le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, ont visité le Maroc à la fin du mois de novembre.
J’ai moi-même eu l’occasion de visiter le pays voisin, dans le cadre de mes fonctions de ministre de l’Équipement, pour favoriser des politiques aux avantages partagés et promouvoir de nouveaux espaces d’entente. Et les rois d’Espagne ont récemment été les protagonistes d’une visite d’État au Maroc, où ils ont été reçus par le roi alaouite Mohammed VI. Pendant mes trois jours à Rabat, entre le 24 et le 26 janvier, j’ai été reçu par le Chef du gouvernement, M. Saâd-Eddine El Othmani, et j’ai rencontré les ministres de l’Énergie et des mines, M. Aziz Rabbah, de l’Équipement, du Transport et de l’Eau, M. Abdelkader Aâmara, de l’Aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville, M. Abdelahad Fassi Fihri, de l’Agriculture et de la pêche maritime, M. Aziz Akhannouch, et du Tourisme et du transport aérien, de l’artisanat et de l’économie sociale et solidaire, M. Mohamed Sajid.
Je me suis rendu à des réunions aux ordres du jour longs et intenses lors desquelles nos deux gouvernements ont confirmé leur volonté d’un accord sur de nombreuses questions qui nous affectent et exploré la manière d’intensifier notre collaboration et d’améliorer la présence d’entreprises espagnoles dans des projets stratégiques.
Sauvetage maritime
L’intérêt d’Adif et de RENFE pour la ligne de l’AVE (ligne de grande vitesse, ndlr) au Maroc et des compagnies Talgo et CAF pour le réseau conventionnel, l’offre d’Acciona et de CLH pour la construction du nouveau port de Kénitra, l’état des investissements espagnols dans des projets stratégiques d’énergie renouvelable, et l’augmentation du nombre d’autorisations pour le passage de camions vers l’Europe, étaient quelques-uns des sujets de l’agenda commercial de ce voyage.
Sauver ceux qui se lancent en mer par désespoir est une obligation légale et humanitaire
Autre sujet important de l’agenda humanitaire : l’intensification et l’amélioration de la coopération pour le sauvetage des naufragés dans le détroit. Ce sujet est fondamental pour les deux pays. Il s’agit d’aborder le phénomène des pateras d’un point de vue différent et complémentaire aux accords bilatéraux signés entre le Maroc et l’UE en matière de politique migratoire.
Et aussi, en ce qui concerne mon domaine en tant que ministre de l’Équipement, l’intensification de la coopération entre Salvamento Marítimo et les autorités marocaines pour impliquer davantage, si cela est possible, le pays voisin dans le sauvetage de personnes. La compétence et l’expérience de Sasemar peuvent être très utiles pour le développement d’une structure de SAR maritime de la part des autorités marocaines.
L’implication du Maroc, qui doit couvrir une zone de plus de 1 million de kilomètres carrés à sauver, est la clé pour, d’une part, mettre fin au départ des pateras depuis ses côtes et, d’autre part, empêcher que les mafias de personnes tirent profit des services de sauvetage, mais également pour faire face à une crise humanitaire de premier ordre.
Le gouvernement d’Espagne maintient un engagement convaincu et ferme pour soutenir les immigrants en danger sur nos côtes, dans lequel Sasemar occupe une fonction essentielle. Et cet engagement s’étend au niveau communautaire à travers le travail développé par le gouvernement espagnol pour tenter de faire cesser l’offre de réponses ad hoc.
Coopération migratoire
Sauver ceux qui se lancent en mer par désespoir est une obligation légale et humanitaire. L’existence d’un système efficace de sauvetage maritime dans les pays riverains ne produit aucun effet d’appel.
Le mensonge sur lequel cette accusation est fondée est évident. En 2017, l’arrivée des immigrants a augmenté de pas moins de 169 % et il est vrai qu’elle ne cesse de croître depuis 2015. Pour inverser cette tendance, le gouvernement espagnol rétablit la coopération entre les pays d’origine et de transit afin de renforcer le contrôle aux frontières.
Nous avons obtenu une contribution de la Commission européenne de 140 millions d’euros pour soutenir le Maroc dans la lutte contre l’immigration irrégulière. Je le souligne car le fait d’avoir réussi à ouvrir une ligne de financement pour contribuer aux efforts du Maroc dans le contrôle des sorties vers nos côtes a une grande valeur.
Le Maroc est un partenaire stratégique fondamental dans la coopération migratoire et en particulier dans le combat des réseaux d’immigration clandestine. C’est pour cette raison qu’il mérite un soutien politique et financier dans la ligne de ce qu’ont obtenu d’autres pays qui, il y a quelques années, étaient la destination de passage des flux migratoires.
La collaboration entre l’Espagne et le Maroc est la clé pour que l’Europe et l’Afrique fassent de leur frontière occidentale un réseau humanitaire entre l’Atlantique et la Méditerranée.