Cmim : Le sticker anti-camelote

Un label Cmim va voir le jour sur une quantité de produits importés. Ce marquage garantira leur sécurité aux consommateurs marocains. Il aidera à lutter contre les produits d’usine non conformes, parfois dangereux pour les utilisateurs. Mais la mise à niveau prendra du temps.

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Consommateurs, cherchez le sticker « C  م » ou « Cmim ». Ce label de qualité, exclusif au marché marocain et promulgué par un arrêté du ministère de l’Industrie et du Commerce, sera l’équivalent du marquage «CE » de Conformité européenne qu’on trouve au dos d’un grand nombre de produits d’importation. L’étiquette Cmim (C pour «Conformité» et mim pour «Moutâbiq», «conforme» en arabe), collée sur le packaging des produits, vise à garantir aux consommateurs marocains leur conformité et leur sécurité.

Les objets concernés sont d’usage courant, des jouets d’enfants aux chargeurs de téléphone portable, des chaussures de sport aux réfrigérateurs. Grâce au marquage de sécurité, les autorités espèrent contrer l’importation de produits de mauvaise facture, potentiellement dangereux pour les consommateurs. Jusque-là, le marché marocain en était inondé.

Des chauffe-eau asphyxiants, des chargeurs qui explosent

Une quantité de produits industriels contrefaits peuvent s’avérer dangereux. Au Maroc, la prise de conscience de ce problème est tout d’abord venue des chauffe-eau. Selon un rapport de l’Institut national d’hygiène, les chauffe-eau causent au Maroc des dizaines de décès chaque année. Quand elle est vétuste surtout, la petite boîte à l’air innocent, si elle est défectueuse, dégage du monoxyde de carbone. Inhalé en grande quantité, il provoque l’asphyxie puis la mort. Devant l’ampleur du phénomène, le gouvernement a pris des mesures d’urgence en interdisant notamment le commerce des chauffe-eau d’occasion.

Les chargeurs de téléphone ont également été accusés. Mal fabriqués, ils sont susceptibles d’exploser et de provoquer des incendies. En mars 2018, une jeune casablancaise est décédée chez elle de cette façon. Plaquettes de frein défectueuses, chaussures à l’amiante, jouets allergisants… les exemples de produits dangereux ne manquent pas.

Selon un haut fonctionnaire du ministère de l’Industrie cité par L’Économiste, le marquage Cmim vise à « protéger le consommateur contre les produits présentant des défauts ou des risques pour la sécurité des utilisateurs ». Ce marquage de sécurité, en avalisant ainsi les « bons » produits, veut aussi attirer l’attention des Marocains, souvent mal informés, sur l’existence de « mauvais » produits. Quand on parle de malfaçons, il ne faut pas longtemps pour que tous les regards se tournent vers les usines chinoises, accusées de déverser leurs fabrications de mauvaise qualité à travers le monde.

Des consommateurs avertis

Bouazza Kherrati, président de la Fédération des droits du consommateur (FDMC), voit les choses autrement. « Le problème, ça n’est pas les usines chinoises, car il y a aussi d’excellents produits chinois. Le problème, c’est les Marocains plus chinois que les Chinois. Les grands importateurs, qui fournissent le marché national, ne contrôlent jamais la qualité des produits qu’ils acquièrent. Ils se contentent d’acheter les produits les moins chers, qui sont souvent les plus dangereux. Le marquage ne va pas leur plaire… Ils vont protester… Mais c’est une grande victoire pour les consommateurs marocains», nous explique-t-il

 Il se félicite de l’entrée en vigueur de la norme Cmim. Il militait pour son introduction depuis des années, mais il n’est pas dupe. Les produits de mauvaise qualité étant les moins chers, c’est vers eux que se tourne la majorité des consommateurs. « L’État ne peut pas tout. Des produits dangereux continueront de passer entre les mailles du filet. Mais, avec cette mesure d’étiquetage, les gens ne pourront plus dire qu’ils ne savaient pas. Dorénavant, le consommateur sera un consommateur averti », conclut le président de la FDMC.

Cafouillages

Le sticker Cmim fleurit déjà sur les packagings depuis que certains importateurs, bons élèves, se sont pliés à la norme. Mais tous ne pourront pas suivre. Selon un grossiste, spécialisé dans le matériel technologique, le seul fait d’apposer un autocollant sur un emballage suppose que le constructeur ouvre une chaîne de montage spécialement dédiée. « Seuls les plus gros constructeurs en ont les moyens. Les petites entreprises préfèreront renoncer au marché marocain », nous explique-t-il.

Le marquage Cmim a de fortes chances de perturber son activité. Il s’interroge donc sur la nécessité d’un tel choix. « Pourquoi le Maroc ne s’aligne-t-il pas sur la norme CE? Les critères techniques sont à peu près les mêmes ». Selon notre interlocuteur, il y a encore des incohérences dans la liste des produits à rendre conforme. « L’adaptation va prendre du temps. C’est un peu du cafouillage pour l’instant. Tout cela n’est pas encore très clair. Je crois que les autorités commencent à le réaliser. Nous avons reçu un papier qui reporte de plusieurs mois la mise en application de la loi. Ça ne se fera pas avant juillet », ajoute-t-il. L’arrêté doit pourtant entrer en vigueur le 1er février.