Si l’Observatoire national de développement humain (ONDH) a dressé un bilan globalement positif du Régime d’assistance médicale (RAMED), ce n’est pas le cas du Réseau marocain de défense du droit à la santé. Pour cette association créée en 2003 et présidée par Ali Lotfi, ancien membre du bureau politique du Parti authenticité et modernité (PAM), qui vient de finaliser son rapport 2018 sur la situation sanitaire au Maroc, le Ramed, introduit en 2012, est aujourd’hui un « échec ».
Dans ce document, dont TelQuel détient un copie, l’ONG estime que 60% de la population marocaine ne bénéficie d’aucune couverture médicale, encore moins d’une assurance maladie. Un chiffre alarmant, basé sur les « dernières données fournies par le Haut Commissariat au Plan, la Cour des comptes et la direction de la prévoyance sociale au ministère de l’Economie et des finances qui détient les vrais chiffres du secteur« , nous indique Ali Lotfi. « Les 40% qui en bénéficient comptent les Ramedistes, les salariés du public et du privés et les étudiants qui ont l’assurance obligatoire« , précise-t-il.
« Pour accéder aux hôpitaux publics, cette catégorie de personnes est obligée de payer en espèces ou de présenter un chèque au préalable, qu’ils soient chômeurs ou pauvres », déplore le Réseau dans son rapport. Avant d’ajouter : « Une autre catégorie est mise à l’écart ». Il s’agit, d’après l’association, des « enfants des personnes assurées qui ont atteint l’âge légal, soit 21 ans, et ceux qui ont 26 ans et qui poursuivent leurs études ».
Jeunes évincés, carte inutile
Si le Ramed est initialement destiné aux « personnes qui ne sont assujetties à aucun régime d’assurance maladie obligatoire et ne disposent pas de ressources suffisantes pour faire face aux dépenses de soins de base, ainsi qu’à leurs conjoints », leurs « enfants à charge âgés de 21 ans au plus et non couverts par une assurance maladie de base, ou âgés de 26 ans au plus s’ils justifient de la poursuite de leurs études », devraient également être concernés.
Mais, aujourd’hui, à en croire le Réseau, ces enfants « n’ont plus le droit de bénéficier de la couverture maladie ou de l’assurance maladie de leurs parents. Par conséquent, s’ils sont au chômage, ils sont dans l’incapacité de payer leurs soins. Leurs parents sont donc obligés de payer directement pour eux ». Et à l’association de souligner : « Même les personnes qui disposent d’une carte Ramed n’ont pas été épargnées ». « La carte est devenue sans intérêt puisqu’elle ne garantit plus l’accès gratuit aux soins et aux diagnostics médicaux, surtout avec les pannes fréquentes que connaissent les dispositifs de diagnostic dans les hôpitaux », explique le Réseau dans son rapport.
Un « maximum de revenus »
L’ONG estime également que « désormais, la plus grande préoccupation des hôpitaux publics et des grands centres médicaux est de faire le maximum de revenus aux dépens de toutes les catégories sociales qui s’y rendent pour un diagnostic, des soins ou encore une hospitalisation », et que « le droit à la santé et à l’accès aux soins est désormais réservé aux personnes qui ont la capacité de payer, soit en espèces, soit par le biais des caisses d’assurances, et ce malgré la qualité médiocre des services fournis par les hôpitaux publics ».
Une exception : la médecine militaire, « qui occupe toujours une bonne position en matière d’accès, de qualité, d’organisation et de gouvernance ». Pour le reste, le Réseau fustige « la libéralisation des prix » qui a « fait du système de santé un espace d’enrichissement illégal aux dépens de la santé des Marocains ».
L’association tire également à boulets rouges contre le gouvernement. Pour elle, « les différentes stratégies de santé adoptées par le gouvernement de 2012 à 2018 se sont limitées à des paroles et à des déclarations politiques, entrecoupées de promesses et d’engagements qui ne peuvent être atteints dans le cadre d’une politique improvisée sans objectifs, sans priorités réelles et sans budget adapté aux besoins et attentes exprimés par les citoyens et les partis ».
Les conclusions du réseau rejoignent celles de la Cour des comptes. Dans son rapport annuel 2016-2017, l’instance avait déploré un retard dans la préparation des cartes du Ramed, alors que le délai réglementaire est de 60 jours. «L’identification des personnes éligibles rencontre plusieurs difficultés compte tenu, surtout, de la croissance du secteur informel et l’adoption du système déclaratif en ce qui concerne le revenu», avait également relevé la Cour, dénonçant au passage «l’apport limité de la commission de pilotage et de la commission technique chargées de la réforme du Ramed, ainsi que l’absence d’un système d’information intégré pour gérer ce régime».
De son côté, l’Observatoire national du développement humain a estimé dans son dernier rapport sur les « Indicateurs de suivi du développement humain 2012-2017 », rendu public fin décembre, que le Ramed avait atteint « ses premiers objectifs », passant d’un taux de couverture nationale de 10,1% en 2013 à 28,5% en 2017.