Aziz Rabbah veut réajuster le projet gazier marocain. Dans un entretien accordé à La Vie Eco, le ministre de l’Energie, des Mines et du Développement durable explique que le méga-projet visant à remplacer le gaz algérien par du gaz naturel liquéfié importé via un nouveau terminal à Jorf Lasfar connaîtra quelques modifications.
Gas to Power, un projet « à réajuster »
Gas to Power, c’est ce « méga-projet » présenté il y a quatre ans par le ministre de l’Energie et des Mines de l’époque, Abdelkader Aâmara, visant à augmenter la part du gaz naturel dans le mix énergétique marocain pour réduire la part du charbon tout en réduisant la dépendance énergétique du Maroc vis-à-vis de l’Algérie.
Ce projet ambitionnait ainsi de construire un terminal gazier à Jorf Lasfar, une jetée maritime pour accueillir les navires chargés de gaz naturel liquéfié (GNL), un espace de stockage, un gazoduc de 400 kilomètres, et des centrales électriques. Le tout nécessitant un investissement évalué à 4,6 milliards de dollars. Ces infrastructures devaient être opérationnelles dès 2021, date à laquelle le contrat d’approvisionnement en gaz algérien via le Gazoduc Maghreb Europe (GME) prend fin.
En décembre dernier, Aziz Rabbah avait présenté un avant-projet de loi pour réguler les activités de la chaîne gazière. Un texte qui avait soulevé plusieurs critiques, notamment de la part des acteurs impliqués dans le secteur. Dans son entretien avec La Vie Eco, le ministre annonce ainsi que le projet Gas to Power connaît plusieurs ajustements pour tenir compte de différents paramètres, notamment concernant « la montée en puissance des énergies renouvelables et les programmes d’efficacité énergétique qui vont modérer la consommation de l’électricité. »
Signe d’une marche arrière sur les objectifs initiaux du projet ? « Nous avons également revu plusieurs composantes de ce projet, à l’aune du développement probable de la production nationale du gaz, suite aux résultats encourageants dans le champ de Tendrara. Le consortium, en charge de ce projet, prévoit le démarrage de la production en 2021, » annonce le ministre. Toutefois, « les volumes à importer ne représentent pas l’élément de fond d’une éventuelle révision, » nuance Aziz Rebbah à nos confrères.
Menaces sur le gazoduc Maroc-Nigéria ?
Le terminal de Jorf Lasfar sera-t-il prêt à temps pour remplacer le gaz algérien ? Selon le ministre, l’éventualité d’une nouvelle reconduction du contrat d’approvisionnement algérien n’est pas exclue. Dans cette interview, Aziz Rebbah déclare ainsi qu’ « aussi bien les Algériens que les Espagnols sont intéressés par la prolongation du contrat. »
Le 15 octobre dernier, une commission mixte algéro-nigériane s’est « fermement » engagée à mener à bien le projet de gazoduc transsaharien reliant Alger à Abuja. Un projet qui concurrence celui du gazoduc Maroc-Nigéria. Le gazoduc marocain est-il alors menacé ? « Absolument pas, » rassure le ministre. » Les études lancées sont toujours en cours et la commission mixte est à l’œuvre. Plus encore, les pays de l’Afrique de l’Ouest sont toujours vivement intéressés par cette future infrastructure, dont la Mauritanie qui a manifesté son intérêt pour s’y associer en tant que producteur. Sur un autre plan, le Sénégal, allié du royaume, pourrait devenir lui aussi producteur, ce qui conforterait encore plus le projet, » argumente Rebbah.
Aussi, « les deux projets peuvent très bien être complémentaires, comme c’est le cas aujourd’hui pour le gazoduc Maghreb-Europe transitant par le Maroc, et Medgaz partant directement de l’Algérie vers l’Europe, » continue dans ce sens Aziz Rebbah.