Comment la concurrence étrangère et l'automatisation ont détruit les emplois industriels marocains

Dans une publication de l'OCP Policy Center les deux chercheurs Uri Dadush et Abdelaaziz Aït Ali expliquent comment, sur la période 2007-2015, la concurrence étrangère et l'automatisation ont détruit les emplois dans le secteur industriel marocain.

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L'usine Renault de Tanger Crédit: Yassine Toumi

Le secteur industriel marocain crée de moins en moins d’emplois. Si les créations d’emplois initiées grâce au Plan d’accélération industrielle (PAI 2014-2020) sont sujettes à débat, la publication du 1er novembre de l’OCP Policy Center sur la « désindustrialisation et emploi au Maroc  » tente de percer les facteurs à l’origine de cette baisse des emplois sur la période 2007-2015.

Selon les deux auteurs de l’étude, Uri Dadush et Abdelaaziz Aït Ali, l’emploi dans le secteur industriel est passé de 12,2% à 10,4% de l’emploi total entre 2000 et 2015, avec une décroissance particulièrement marquée entre 2008 et 2015. L’emploi est en baisse alors même que la valeur ajoutée a augmenté de 3,3% entre 2007 à 2015, fait remarquer le document. Par secteur, «  près de la moitié de la croissance de la valeur ajoutée manufacturière est due au secteur de la mécanique et de l’électronique, tandis que le secteur de l’agroalimentaire en a contribué pour un tiers », explique le rapport. Un constat d’autant plus alarmant que le Plan Maroc Vert et le PAI ont fait de la création d’emploi dans l’agro-industrie et dans l’industrie leur cheval de bataille.

Automatisation vs emploi

Le rapport note que la baisse de l’emploi manufacturier au Maroc est causée par deux facteurs : l’augmentation de la productivité et la concurrence étrangère. Selon le document, « l’augmentation rapide de la croissance de la productivité du travail dans le secteur manufacturier, en particulier dans les secteurs de la mécanique, de la métallurgie et de l’électricité, ainsi que de l’agroalimentaire, explique en grande partie la baisse de la part de l’emploi.  »

Cette augmentation de la productivité, alors que la contribution de l’emploi décline, est due à l’automatisation du secteur. Le rapport explique ainsi que la concurrence étrangère a poussé les industriels locaux à moderniser leur processus de production pour se conformer aux standards internationaux. « Ce processus implique souvent une automatisation et une utilisation plus modérée de la main-d’œuvre. Les entreprises qui dépendent le plus des exportations doivent servir une clientèle internationale, exigeant une qualité élevée et prévisible, une livraison ponctuelle, etc., et encore plus sujette à ces tendances en matière de modernisation », explicite le rapport.

Même si le besoin en main-d’œuvre diminue, le secteur industriel marocain a fait mieux que des économies comparables en termes de gain de productivité. En effet, « 80% des économies affichent une croissance de la productivité industrielle inférieure à celle du Maroc. Le secteur industriel marocain a également surperformé les pays ayant un niveau de PIB par habitant similaire », font remarquer les deux chercheurs.

L’autre ennemi : la concurrence étrangère

Le rapport note que la concurrence étrangère a aussi mis la pression sur l’industrie marocaine. « Les échanges avec la Chine représentent à eux seuls plus de la moitié de la détérioration du déficit commercial des produits manufacturés. Sur la période, la production de textiles au Maroc a diminué en valeur absolue, contribuant également à la baisse de l’emploi dans le secteur de la fabrication en général », écrivent les deux chercheurs.

« Les pertes d’emplois ont été principalement causées par le déficit bilatéral croissant avec les économies chinoise, allemande, turque et portugaise,  » détaille le rapport.  » L’augmentation des importations de textiles et de vêtements et de matériel électrique a été à l’origine de la majeure partie de l’augmentation du déficit commercial bilatéral avec la Chine et la Turquie. En outre, l’augmentation des importations de textiles et de vêtements contribue à expliquer la forte baisse de l’emploi dans ce secteur », alarment les auteurs de l’étude.

Selon les chiffres de l’HCP, 200.000 emplois ont été détruits dans le textile entre 2009 et 2013. Les professionnels du secteur pointent du doigt la concurrence déloyale turque en considérant que les industriels turcs profitent de l’accord de libre-échange signé en 2004 entre les deux pays pour inonder le marché marocain.

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