Le 23 septembre, l’association Thafra pour la fidélité et la solidarité publiait un communiqué où elle affichait son soutien à Nasser Zafzafi. Le leader du Hirak rifain venait d’être nommé au Prix Sakharov pour la liberté, décerné par le parlement européen pour honorer les personnes ou organisations œuvrant dans le domaine des droits de l’Homme.
L’association, qui regroupe les familles des détenus du Hirak dans les prisons d’Al Hoceima, Casablanca, Aïn Aïcha (Taounate) et dans le pénitencier agricole de Zaïo (Nador), affirmait notamment s’être mobilisé « en interaction avec la vaste et croissante campagne de soutien menée aux niveaux national et international ». Pourtant, à l’heure actuelle, l’association n’a toujours pas été reconnue par le pachalik d’Al Hoceima. Retour sur une bataille d’usure administrative.
Rejets en série
Le 24 juin, les familles des détenus se regroupent pour former leur association. Selon les membres, la date a été reportée à trois reprises dans l’attente d’une réponse des autorités qui ne viendra pas. L’association Thafra est finalement créée dans le but de « renforcer les liens de solidarité entre elles (les familles des détenus du Hirak, ndlr) et consolider les valeurs de sacrifice dans leurs luttes (…) en quête de leur (des détenus du Hirak, ndlr) libération et de la réalisation de leurs demandes justes, » explique un communiqué publié à l’issue de cette réunion fondatrice. Elle désigne notamment comme président Ahmed Zafzafi, le père de Nasser Zafzafi.
L’association se fixe également comme objectif d’ériger un cadre juridique pour tout ce qui a trait à la mobilité des familles des détenus du Hirak dans les villes où sont détenus les militants du mouvement de contestation rifain. Encadrés par le CNDH, ces déplacements ont en effet connu des aléas par le passé.
Dans l’optique de se conformer à la loi, l’association Thafra fait ensuite une déclaration à la sous-préfecture. La loi sur le droit d’association dispose que « les associations de personnes peuvent se former librement sans autorisation », sous réserve de « faire l’objet d’une déclaration au siège de l’autorité administrative locale. » De fait, toutes les pièces et informations demandées par les autorités nécessitent une première assemblée constitutive.
Mais le dossier est rejeté « sous prétexte que le Pacha, absent de son bureau au moment du dépôt, doit être consulté au préalable, » indique un procès-verbal rédigé par l’association que TelQuel a pu consulter. Le même document précise que les membres de l’association ont reçu un appel téléphonique les informant du refus du pacha d’autoriser la tenue de l’assemblée générale constitutive « sans le moindre justificatif ».
Après ce refus des autorités locales, les membres fondateurs font appel à un commissaire judiciaire, Abdelhabib El Idirissi. La loi prévoit que la déclaration de constitution doit être transmise « directement par l’intermédiaire d’un huissier de justice ». La loi ajoute qu’« il en sera donné récépissé provisoire cacheté et daté sur-le-champ ».
Pourtant, dans un rapport datant du 7 juillet et consulté par TelQuel, le commissaire judiciaire indique s’être rendu au pachalik d’Al Hoceima afin de faire parvenir la déclaration de constitution de l’association aux autorités locales. « Le bureau d’ordre a refusé de les recevoir. Nous nous sommes ensuite dirigés vers l’un des fonctionnaires de la division des affaires intérieures qui a également refusé en nous déclarant que le pacha s’abstient de recevoir les documents, » précise le document.
Qui ne dit mot consent ?
« Lorsque la déclaration remplit les conditions prévues, le récépissé définitif est délivré obligatoirement dans un délai maximum de 60 jours, » prévoit la loi. « À défaut, l’association peut exercer son activité conformément à l’objet prévu dans ses statuts, » poursuit le texte, qui consacre expressément le principe de droit administratif selon lequel le silence vaut acceptation.
Aussi, l’association n’a pas interrompu ses activités. Fin août, plus de deux mois après sa déclaration initiale de constitution, c’est elle qui a par exemple annoncé une grève de la faim entreprise par plusieurs détenus rifains à Oukacha.
Malgré plusieurs tentatives à plusieurs semaines d’intervalle, TelQuel n’est pas parvenu à joindre le pachalik d’Al Hoceima.
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