Une délégation de députés européens a entamé le 3 septembre une visite de trois jours au Sahara. Il s’agit des membres de la commission INTA du Parlement européen, chargée du commerce international, qui planche sur la modification de l’accord agricole Maroc-UE en vue d’y intégrer le Sahara. Les eurodéputés étaient le 3 septembre à Dakhla où ils ont rencontré le président de la région Dakhla-Oued Eddahab, Yanja Khattat. Ils devaient aussi se rendre à Laayoune pour rencontrer le président de la région Laayoune-Sakia El Hamra, Hamdi Ould Rachid. Au programme également: les visites d’exploitations agricoles (notamment de tomates et de melon), ainsi que des conserveries de poisson, une usine de phosphates et la Chambre française de commerce à Laayoune.
« Cette visite s’inscrit dans le cadre de la modification des protocoles 1 et 4 de l’accord d’association qui lie l’Union européenne au Maroc. Cette modification vise à créer une base légale pour étendre au Sahara occidental les préférences douanières dont bénéficie le Maroc sur les produits agricoles et issus de la pêche, » explique une source au Parlement européen consultée par TelQuel. Une première depuis 2008, selon la même source.
Consentement et bénéfice
En décembre 2016, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) jugeait que l’accord agricole entre le Maroc et l’UE n’était pas applicable au Sahara. Depuis, les partenaires marocains et européens se sont employés à revoir le contenu de leur accord pour y inclure le Sahara, ligne rouge pour Rabat.
Le 11 juin dernier, la Commission européenne adoptait finalement un amendement à l’accord, sous forme d’échange de lettres, et permettant d’y inclure le Sahara. Le texte doit encore être ratifié par le Parlement européen. Un défi de taille pour le Maroc, qui a dépêché un commando à Bruxelles pour « sensibiliser » les eurodéputés aux enjeux du dossier.
« La modification de l’accord agricole se fera sur la base de deux conditions. Premièrement, avec le consentement de la population du Sahara occidental, via des consultations des populations concernées. Deuxièmement, en s’assurant que l’accord bénéficie aux populations concernées », détaille une source parlementaire européenne à TelQuel.
Dans un document de travail de la Commission européenne, les équipes de Federica Mogherini ont déjà acté qu’« une large majorité d’opinions favorables à l’extension des préférences tarifaires aux produits du Sahara occidental.» Voilà pour le consentement, selon l’Exécutif européen. Quant au bénéfice, la Commission européenne écrit : « il y a des indications suffisantes permettant de conclure que l’activité économique générée par les exportations vers l’Union européenne se réalise au bénéfice de l’emploi local et par conséquent, peu ou prou, au bénéfice des populations locales toutes origines confondues. »
Reste à en convaincre l’organe législatif de l’Union européenne. Lors d’une réunion de la Commission INTA le 29 aout, le Commissaire européen aux affaires économiques et à l’Union douanière Pierre Moscovici a justement été interrogé par plusieurs députés sur cette notion de consentement.
Il s’agira également de déterminer qui constitue la « population du Sahara occidental ». Le document de la Commission européenne pointe lui-même « l’impossibilité de distinguer clairement l’origine des différents éléments constitutifs de la population du Sahara occidental ».
Convaincre le parlement
« C’est un point sensible. La notion de ‘peuple du Sahara occidental’ inclut les réfugiés dans les camps de Tindouf, ainsi que la diaspora dans le monde entier. Mais, le fait est que ces populations ne bénéficient de toute façon pas des préférences commerciales entre le Maroc et l’UE. Ils ne sont pas directement concernés par l’accord, donc est-ce de leur ressort d’établir cette notion de consentement ? C’est une notion qu’il appartient aux Nations unies de définir, » explique notre source européenne, laissant présager de l’intensité des débats qui auront lieu au Parlement européen.
Citée par la MAP, l’eurodéputée Patricia Lalonde, rapporteur de la commission INTA pour les pays méditerranéens, a noté que « la visite des parlementaires européens vise à s’informer sur le terrain du degré du bénéfice de la population sahraouie de l’accord commercial entre le Maroc et l’UE et à évaluer son impact et ses avantages sur les habitants de la région ».
« Même son de cloche chez l’eurodéputée Tiziana Beghin, qui a relevé que ce déplacement important a permis de connaître les positions et les opinions des membres de divers organes élus de la région et des représentants de la société civile concernant les retombées et les bénéfices de l’accord de pêche maritime Maroc-UE pour la population locale », poursuit l’agence MAP.
Selon nos informations, la commission INTA présentera mi-octobre le rapport sanctionnant la visite au Sahara de sa délégation. Laquelle sera composée de la Française Patricia Lalonde du groupe ALDE, rapporteur de la commission INTA pour les pays méditerranéens, de l’Italienne Tiziana Beghin du groupe EFDD, shadow rapporteur pour la même commission, de la Finlandaise Heidi Hautala du groupe des Verts et vice-présidente du Parlement européen, ainsi que de l’Anglais David Martin du groupe Social et Démocrates.
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