Décès de nourrissons à Tinghir: la piste de la leishmaniose écartée

En début de semaine, deux nourrissons sont décédés dans la commune d'Ikniouen (province de Tinghir). Selon les autorités sanitaires régionales, la leishmaniose viscérale, maladie parasitaire, serait à l'origine de ces décès. Une déclaration que le ministère de la Santé dément.

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La Leishmaniose cutanée est transmise par la piqûre d'un moucheron. Crédit: Capture écran Facebook

La province de Tinghir est en deuil. En début de semaine, deux enfants en bas âge – respectivement de six et sept mois – de la commune d’Ikniouen sont décédés. Selon les autorités sanitaires régionales, citées par Hesspres, ces deux décès seraient « dus à des blessures liées à la leishmaniose viscérale », les deux nourrissons « présentant les mêmes symptômes ».

Une déclaration que le ministère de la Santé réfute, en arguant que le nourrisson âgé de sept mois est mort à cause « d’une infection intestinale », et que le cas de « la leishmaniose viscérale » chez l’autre nourrisson a seulement été « suspecté ».

La leishmaniose viscérale est la forme la plus sévère de la maladie parasitaire qui se transmet suite à une piqûre de phlébotome femelle. Ces moucherons peuvent eux-mêmes être infectés par d’autres animaux, leur servant de « réservoirs naturels », explique l’OMS. Dans la région de Tinghir, ce sont les rats. La leishmaniose viscérale, à la différence de la leishmaniose cutanée, est caractérisée par des poussées de fièvre, une perte de poids, l’augmentation du volume du foie et de la rate, ainsi qu’une anémie. L’organisation sanitaire indique qu’en l’absence de traitement la contamination peut être mortelle.

Une « phobie de la population »

Contacté par nos soins, Ahmed Haji, délégué régional par intérim du ministère de la Santé, nous explique sa version des faits : « Après un séjour de 27 jours à l’hôpital régional de Moulay Ali Sharif d’Errachidia, le premier bébé a été transféré au CHU de Rabat en raison de la détérioration de son état. L’équipe médicale avait commencé des analyses pour effectuer un diagnostic, mais le nourrisson est mort avant. Même si la contamination de la victime par la leishmaniose viscérale était suspectée, il n’y a pas eu diagnostic complet affirmant cette hypothèse ». 

Le second bébé, âgé de sept mois, serait quant à lui « décédé dans la nuit du 22 août », avance Hesspress, « après son retour de l’hôpital de la région de Moulay Ali Sharif d’Errachidia » dans lequel il aurait passé un mois. Concernant ce cas, et contredisant ainsi les affirmations avancées par les autorités sanitaires régionales, Ahmed Haji déclare « que ce décès n’est pas lié à la leishmaniose viscérale ».  Le nourrisson est mort « d’une infection intestinale », poursuit-il.

Le responsable ajoute que l’enquête menée par une équipe sanitaire qui s’est rendue le 22 août dans la zone concernée, au niveau la région Drâa-Tafilalet, « a permis d’établir un dossier indiquant que le nourrisson n’a pas été contaminé par la maladie parasitaire ». Reconnaissant toutefois que les symptômes présentés par les deux nourrissons défunts pouvaient paraître semblables, Ahmed Haji estime que c’est « la phobie de la population » qui a engendré ce rapprochement.

Une peur liée à la forte présence dans le sud et le sud-est du pays de foyers touchés par la leishmaniose cutanée. Contrairement à la leishmaniose viscérale, celle-ci n’entraîne pas la mort, mais provoque des lésions cutanées, principalement des ulcères, sur les parties exposées du corps laissant des cicatrices définitives et des handicaps sévères.

En janvier, le Dr Bouhout Souad, chef du service « Maladies parasitaires » à la Direction de l’épidémiologie au ministère de la Santé, avait déclaré à l’AFP qu’au cours des derniers mois plus de 3.000 cas de leishmaniose cutanée avaient été recensés dans ces localités.

Un problème de santé publique

A savoir si une épidémie de leishmaniose, sous ces deux formes, sévit dans la province de Tinghir, la réponse du ministère de la Santé se veut ferme : « il n’y a pas de problème. Suite au déplacement de notre équipe sanitaire, nous avons constaté que tout le monde était normal, en bonne santé. Et pour l’instant il n’y a pas de cas de Leishmaniose viscérale ».

Malgré ladite absence de la maladie, le département d’Anas Doukkali prévoit de « faire circuler une caravane pour traiter les gens, les vacciner et leur expliquer ce qu’est cette maladie ». Le but ? « Éliminer la peur de la population grâce à l’éducation sanitaire ». Et d’affirmer que s’il « existe bien des cas sporadiques de leishmaniose cutanée vers la région d’Errachidia et Ouarzazate notamment, il n’y a jamais eu de cas mortel ».

Des propos tempérés et en contradiction avec l’état des lieux dressé par l’OMS. « L’émergence de cette maladie constitue un problème de santé publique au Maroc. On estime que la participation de la communauté est aujourd’hui insuffisante […] Il est indispensable d’améliorer la collaboration intersectorielle et de mener des recherches », soutient l’organisme.

Selon les estimations de l’OMS, il y aurait chaque année dans le monde entre 700.000 et 1 million de nouveaux cas de leishmaniose. Seule une petite proportion des sujets infectés finit par développer la version viscérale. 20.000 à 30.000 personnes en meurent chaque année.

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