Le Maroc consacre plus de 45 milliards de dirhams par an à l’éducation nationale (dont 94% de dépenses de fonctionnement et 6% de dépenses d’investissement), soit 18% du budget total des dépenses publiques et 4,5% du PIB. Malgré ces montants d’envergure et les nombreuses réformes menées par le gouvernement, le retard du Maroc dans le domaine éducatif est devenu une rengaine pour plusieurs organismes nationaux et internationaux.
Récemment, dans son « examen multidimensionnel » l’OCDE alertait sur « la faible qualité de l’éducation » dans le Royaume. Avec des perspectives plutôt pessimistes : « D’ici 2020, le Maroc n’aura pas atteint le nombre d’années de scolarisation associé à un niveau de développement moyen », estime l’Organisation de coopération et de développement économiques.
Même son de cloche du côté de la Direction des études et des prévisions financières du ministère des Finances. Dans son étude comparative portant sur l’évaluation de l’efficience du système éducatif marocain, la DEPF relève que : « La qualité du système soulève des inquiétudes au vu de son positionnement peu favorable dans les enquêtes internationales d’évaluation des systèmes éducatifs« . Mais selon elle, l’explication ne serait pas à chercher au niveau du montant des dépenses publiques, qu’elle juge suffisant. Alors, quelles sont les causes des insuffisances du système éducatif ?
Des dépenses publiques en augmentation
En se basant sur des outils d’analyse économétrique et sur une démarche comparative auprès d’un échantillon représentatif du pays, la DEPF établit que « les insuffisances constatées au niveau de la qualité du système éducatif national ne sont pas dues à un problème de dépenses budgétaires, mais davantage à d’autres facteurs, notamment celui de la question de l’environnement socio-économique des élèves ».
En effet, le niveau de dépenses publiques du Maroc en matière d’éducation se situe dans la moyenne des pays voisins arabes et est même en augmentation sur les 20 dernières années. La DEPF note que « malgré l’augmentation rapide des effectifs scolarisés au Maroc, la dépense publique en éducation a progressé à un rythme plus soutenu », c’est-à-dire 3,4% par an au primaire entre 1998 et 2012, et 1,7% pour le secondaire.
Selon elle, l’indicateur le plus pertinent pour comparer les niveaux de dépense publique est celui de la dépense par élève, en dollars constants et en parité de pouvoir d’achat. En 2015, le Maroc a dépensé pour chaque élève du secondaire 2.748 dollars, soit environ autant que la Tunisie (2.729 dollars), et un peu plus que l’Algérie (2.377 dollars).
Le Maroc, un des pays qui « souffre le plus de son environnement socio-économique »
En évaluant la capacité des différents systèmes éducatifs étudiés à transformer la dépense publique en résultats scolaires, l’étude aboutit à la conclusion que « la dépense n’explique pas les différences de score, et toutes choses étant égales par ailleurs, plus l’environnement socio-économique sera faible, plus le score d’efficience aura tendance à augmenter« . C’est ce qui explique que le Maroc réalise un score d’efficience de 93%, selon l’enquête TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study) menée par l’IEA (International Association for the Evaluation of Education Achievement) dans 68 pays.
À première vue, un score à surprenant. Mais, qui révèle en réalité les défaillances de l’environnement socio-économique des élèves, jugé « très faible« . Cet environnement est calculé sur la base de plusieurs variables : le niveau d’éducation maximal des parents, le nombre de livres dans le foyer et la possession d’une connexion internet. « Les calculs montrent que pour l’édition 2015 du TIMSS, le Maroc est le pays qui souffre le plus de son environnement« , révèle la DEPF.
Seulement 6% des élèves obtiennent le bac sans redoubler
Conséquence de cette faille structurelle : le rapport fait le constat de la « faible fluidité du système éducatif, qui s’exprime notamment par le fait que sur 100 élèves inscrits au primaire, seulement six obtiendront leur baccalauréat sans jamais redoubler ». Un score bas, néanmoins en augmentation de 50% par rapport à 2004, où ils n’étaient que trois. Au total, sur cet échantillon de 100 élèves, 41 finiront par obtenir le baccalauréat, alors qu’ils n’étaient que 22 en 2004.
Selon la DEPF, « les goulots d’étranglement, qui affectent la fluidité des parcours scolaires, se situent particulièrement au niveau de la dernière année du collégial (1,44 an en moyenne) et l’année du baccalauréat (1,3 an en moyenne) ». Ils sont liés aux insuffisances qualitatives du système éducatif, particulièrement, en ce qui concerne le processus d’acquisition-évaluation des connaissances.
Filles-garçons : une approche différenciée nécessaire
Si le rapport note que « les disparités entre les sexes en matière d’accès à l’éducation ont été réduites, puisque l’écart d’espérance de vie scolaire entre garçons et filles est passé de 2,3 ans en 1992 à un an en 2012« , le texte pointe toutefois des différences structurelles qui demeurent. Alors que les garçons trouvent moins de problèmes que les filles à atteindre la dernière année du secondaire collégial, celles qui y arrivent ont ensuite plus de facilité à accéder au secondaire qualifiant, c’est-à-dire le lycée.
« En comparant les taux de transitions du primaire vers le secondaire collégial et à partir de ce dernier vers le qualifiant, une baisse de 18 points de pourcentage est observée pour les garçons (de 89 % à 71 %), tandis que pour les filles cette baisse est de l’ordre de six points de pourcentage (85 % à 79 %) ». Les filles ont donc toujours plus de contraintes d’accès, là où les garçons sont plus affectés par des problèmes de niveau.
Toujours selon la DEPF, « ces constats plaident pour des approches différenciées en matière de promotion de la scolarisation
des élèves« . Par exemple, les filles seraient mieux servies par des programmes d’internat du type « Dar A-Taliba », alors que les garçons sont davantage aidés par des programmes de lutte contre l’échec scolaire ou contre la déperdition, du type « Tayssir ».
Une recommandation en accord avec le discours du roi, prononcé le 29 juillet à l’occasion de la Fête du trône, qui souhaite « donner une impulsion vigoureuse aux programmes d’appui à la scolarisation et de lutte contre la déperdition scolaire, à partir de la prochaine rentrée scolaire, notamment au programme « Tayssir » d’aide financière à la scolarisation, à l’enseignement préscolaire, au transport scolaire, aux cantines scolaires, aux internats« .
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