Un an de tergiversations pour Mohamed Sajid

Arrivés il y a un an à la tête d'un secteur rongé par les querelles intestines et la mauvaise gouvernance, Mohamed Sajid et sa coéquipière Lamia Boutaleb n'ont fait qu'empirer la situation. Retards, tergiversations, mutisme… le ministère du Tourisme donne déjà un avant-goût d'un quinquennat qui s'annonce décevant.

Par

Yassine Toumi

Mohamed Sajid multiplie depuis un an retards, reports et rétropédalages. Le report de la présentation de sa nouvelle  stratégie? « On attend le bon moment« . La nomination d’un patron de l’ONMT ? « C’est en cours« . L’appel d’offres suite à l’affaire Southbridge ? « Bientôt« . Fidèle à son habituelle langue de bois, l’ancien maire de Casablanca ne donne aucune réponse claire.

Une vision à l’horizon ?

A moins de deux ans de la présentation du bilan de la décennie, le tourisme est loin d’être reluisant: 11 millions de touristes au lieu des 20 promis – dont la moitié est constituée de MRE -, des recettes en dents de scie, un taux de remplissage peu glorieux, des stations balnéaires qui ne sont pas sorties de terres dix-sept ans après leur annonce, un service défaillant… Bref, le secteur est à l’abandon.

Lorsqu’il a pris les rênes du département du tourisme en 2017, le chef du parti au cheval promettait de secouer le cocotier en concoctant une nouvelle feuille de route. Une vision, appelée à « corriger » la chancelante stratégie 2020, qu’il devait présenter à Agadir le 1er avril dernier.

Mais voilà que l’évènement, pourtant présenté comme la grand-messe du tourisme, a été reporté sine die. La raison ? Mohamed Sajid nous répond que la présentation « est en train d’être finalisée« .

Une réponse qui contredit une déclaration qu’il a donnée à nos confrères de Médias24 lors d’un symposium tenu le 11 avril 2018 à Rabat. « Comme ma secrétaire d’Etat est absente, nous avons retardé sa présentation, mais elle est imminente« , disait-il, affirmant que la feuille de route était prête.

Selon nos sources, le ministère du Tourisme, qui voyait grand, aspirait à organiser l’évènement en grande pompe « sous le haut patronage du roi« , lequel haut patronage ne lui a pas été accordé. Interrogé à ce sujet, Mohamed Sajid laisse planer le mystère: « On n’a pas été jusque-là« .

Ce qui est sûr, c’est que son prédécesseur Lahcen Haddad avait remué ciel et terre pour obtenir la précieuse bénédiction pour organiser la onzième édition des Assises du tourisme, sans succès. « On fignole pour trouver le bon moment, nous assure le ministre. Ce n’est pas le fait de sortir un document qui conditionne le travail. On est déjà en train de travailler sur un certain nombre d’axes ».

Office cherche patron désespérément

Le 29 novembre 2017, une scène peu commune a lieu dans l’hémicycle: le patron de l’ONMT (Office national marocain du tourisme), Abderrafie Zouiten, apprend par voie de presse qu’il n’est plus à la tête de l’institution. Une situation d’autant plus surprenante que son ministre de tutelle, Mohamed Sajid, qui se trouve au même moment au parlement, n’a pas jugé utile de l’informer.

Rachid Hamzaoui, alors directeur administratif et financier de l’Office, est propulsé DG par intérim, en attendant qu’un appel à candidatures soit publié, comme l’exige le décret de 2012 sur la procédure de nomination aux fonctions supérieures.

« Nous travaillons activement sur ce dossier. La loi permet à l’intérimaire de rester en place 6 mois, mais ce ne sera pas le cas, car la procédure de remplacement va être lancée incessamment« , déclarait Mohamed Sajid à Médias24 en janvier dernier.

Promesse qui n’a pas été tenue, puisque plus de quatre mois après le départ d’Abderrafie Zouiten, l’appel à candidatures n’a toujours pas été lancé. « C’est en cours. Il est en train d’être préparé« , répète le ministre.

« Je ne comprends pas comment on peut laisser un établissement comme l’ONMT sans directeur. Surtout que le ministre ne donne aucune explication convaincante à ce retard« , s’indigne un opérateur, en off. Colère d’autant plus légitime que l’ONMT navigue à vue depuis la mise à la retraite forcée de son désormais ancien patron.

« Des appels d’offres attendent d’être lancés depuis plusieurs mois et l’absence du Maroc de certains salons internationaux du tourisme devrait nous alerter sur les conséquences de ce retard », tonne une source proche de l’ONMT. Mais à en croire le ministre du Tourisme, il n’y a pas péril en la demeure. « Il reste encore deux mois pour choisir un directeur ».

Le feuilleton Southbridge

Lamia Boutaleb avait suscité une vive polémique l’été dernier en confiant de gré à gré un marché de quelques millions de dirhams au cabinet Southbridge, appartenant à Hassan Belkhayat, un membre du bureau politique du RNI.

Embourbée dans le scandale, la secrétaire d’État au Tourisme avait dû faire marche arrière en lançant, le 31 octobre 2017, un appel d’offres pour la réalisation d’une étude sur le secteur. Objectif: « Mettre en place et animer un dispositif qui devra permettre d’assurer un pilotage efficace des chantiers, programmes et projets portés par le département du tourisme ».

Deux mois plus tard, le département du tourisme fait à nouveau marche arrière. « L’appel d’offres a été jugé infructueux », nous avait confié une source au sein du département de la secrétaire d’Etat, car il n’existait « pas d’offre répondant techniquement aux qualités requises« . Depuis, rien ne filtre au sujet de cette affaire. « L’appel d’offres va être bientôt relancé« , nous dit vaguement Mohamed Sajid.

Il s’agit de la deuxième étude commandée par le ministère du Tourisme depuis 2016. Il y a deux ans, Lahcen Haddad avait confié la réalisation d’une étude sur la Vision 2020 au cabinet Boston Consulting Group (BCG). Sauf qu’après avoir réalisé l’étude à 7 millions de dirhams, sous le mandat de l’ancien ministre, le cabinet attend toujours d’être payé.

Selon une source proche du ministère, BCG, qui s’est retiré après le scandale Southbridge, devrait encore accompagner le département de Mohamed Sajid pour toucher son enveloppe. « Ils n’ont pas été payés totalement, mais une bonne partie a été réglée« , affirme Mohamed Sajid.

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