Depuis début 2016, le marché marocain des hydrocarbures est entré de plain pied dans l’ère de la libéralisation, avec la suppression de la compensation et la levée du contrôle étatique sur les prix à la pompe, désormais soumis à la concurrence. Au grand dam des automobilistes, la baisse des prix qu’ils en espéraient n’a pas eu lieu, ou si peu. Et pour cause, les pétroliers ont visiblement préféré soigner leurs marges plutôt que de se lancer dans une guerre ouverte. Mais il ne faut pas s’y tromper : le jeu de la concurrence est bel et bien ouvert entre les distributeurs. Il s’est seulement déplacé vers d’autres terrains que celui des prix, notamment au niveau de la diversification des services dans les stations, ou la multiplication des instruments de fidélisation des clients.
Pour autant, le premier champ de bataille reste évidemment celui des produits. L’arrêt d’activité du raffineur national, qui fournissait aux distributeurs des carburants plus ou moins similaires, a totalement changé la donne. Désormais, ces derniers ont recours aux importations directes et peuvent par conséquent opter pour la source d’approvisionnement et les produits de leur choix, pour peu qu’ils soient en conformité avec les normes de qualité en vigueur.
Une gamme de carburants plus étendue
Jusqu’alors enfermés par la réglementation dans une monoculture de carburant unique, les pétroliers ont profité de cette nouvelle liberté pour procéder à l’extension de leur gamme, imitant en cela leurs homologues dans les pays européens. Ainsi, quelques mois après que le verrou des tarifs a sauté, on a vu fleurir dans les stations-service une nouvelle génération de carburants additivés.
Les produits dits “additivés” ne sont pas vraiment une nouveauté sur le marché marocain. Dès 2011, Vivo Energy avait introduit ce type de carburant sous la marque “Shell FuelSave”, imité trois ans plus tard par Afriquia SMDC et ses carburants “PowerMax”. Enfin, l’ambitieux distributeur national Winxo (ex-CMH) s’est joint à la fête en lançant il y a un an sa gamme de carburants WinProtect+. Développés avec l’Américain Afton Chemicals, numéro Un mondial des additifs pour carburants, cette nouvelle gamme a remplacé l’ancienne sans supplément de prix.
Toutefois, à côté de ces produits, trois distributeurs commercialisent désormais une gamme de carburant “premium”, présentés comme encore plus performants et surtout proposés à des prix sensiblement supérieurs, une première sur le marché marocain.Total Maroc a dégainé le premier avec le gazole “Excellium”, un label-phare déjà commercialisé par l’enseigne française à l’international. Vivo Energy, titulaire de la licence Shell au Maroc, a rapidement répliqué avec son produit “V-Power Diesel”, également présent dans l’offre du pétrolier à la coquille sur d’autres marchés. Vint ensuite le tour d’Afriquia SMDC, champion national et leader du marché des hydrocarbures, qui ne pouvait que suivre la tendance. La filiale du groupe AKWA a ainsi mis sur le marché sa gamme “Premium”, la seule à se décliner en gazole comme en essence sans-plomb. Dénominateur commun de ces nouveaux carburants ? Leur formule spécifique qui comporte un ensemble encore plus riche d’additifs.
En contrepartie d’un surcoût avoisinant les 50 centimes au litre, l’automobiliste a la promesse d’un ensemble de bénéfices : des gains en performances, des consommations revues à la baisse, une réduction des émissions polluantes, ainsi que la protection des organes vitaux du moteur et la restauration de sa puissance. N’en jetez plus!
Restait à savoir si ces promesses, cautionnées par différentes études réalisées par les pétroliers, sont réellement tenues. Ces nouveaux produits apportent-ils un véritable avantage au consommateur ? Ou bien la ruée vers les “super-carburants” n’est-elle qu’une nouvelle arme dans l’arsenal marketing déployé par les ténors de la distribution pétrolière ? Pour les deux questions, la réponse serait plutôt affirmative.
Mission : nettoyer le moteur
Effectivement, ces nouveaux produits sont d’abord un outil de marketing. En se plaçant sur le territoire de l’innovation technologique et de la performance, chacun des trois distributeurs renforce son image et revendique explicitement un positionnement haut de gamme. Les appellations choisies par Total et Afriquia (respectivement “Excellium” et “Premium”) sont éloquentes à cet égard. Quant à la marque Shell, elle exploite son partenariat de longue date avec la “Scuderia Ferrari” en Formule 1 pour vanter les mérites… de son gazole.
Dans les trois cas, le but est de séduire et fidéliser une clientèle d’automobilistes prêts à payer plus pour une meilleure qualité. “Ces nouveaux carburants attirent principalement les conducteurs de voitures de luxe, avec des moteurs puissants et techniquement sophistiqués, argumente cet exploitant de station-service. Ils sont prêts à payer plus cher leur carburant, si cela leur permet de mieux entretenir leur mécanique”.
Ça tombe bien ! Il s’agit précisément de l’argument avancé par ces “super-carburants”, à distinguer des additifs en flacons, vendus séparément dans le réseau des mêmes pétroliers. Leur arme : un mélange d’additifs dont la composition est tenue secrète par les fabricants, et qui dispose en premier lieu d’un pouvoir détergent, de quoi lui permettre de “nettoyer” les pièces du moteur et d’éviter les dépôts (composés entre autres de résidus d’huile) et l’encrassement, tout en conservant une capacité lubrifiante. Des injecteurs aux buses désobstruées, une chambre de combustion débarrassée de dépôts, une réduction des frictions entre les pièces mobiles… voilà qui devrait assurer une meilleure qualité de combustion, avec comme résultat une puissance préservée, des consommations et des émissions polluantes minorées, ainsi qu’une sensible réduction des fumées et des nuisances sonores sur les moteurs diesel. Et pour couronner le tout, une mécanique plus propre est synonyme d’une plus grande fiabilité à long terme. Cela suffit-il pour justifier le surcoût à la pompe, qui représente quelque 5% du prix de base ? C’est du moins ce qu’assurent les pétroliers, qui avouent toutefois à demi-mot que ces nouveaux produits ne sont pas encore entrés dans les habitudes d’achat des automobilistes. Pour le moment du moins.
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