De passage à Casablanca pour jouer sa pièce La Grande évasion, l’humoriste Booder nous en raconte les origines, et confie ses ambitions de réaliser une web-série francophone pour le ramadan. Issu de la scène stand-up, actif depuis une quinzaine d’années en France, le MRE est célèbre pour son autodérision et ses nombreux rôles dans diverses comédies françaises.
C’est une heure avant le début de son spectacle qu’il nous a reçus au cinéma Megarama, où avait lieu la représentation. Décontracté et souriant, l’humoriste a répondu à nos questions en toute simplicité – s’inquiétant juste des sujets qui allaient être abordés. « On va bien parler de l’aspect artistique, pas d’islamisme ou de je ne sais pas quoi encore? », interroge le Franco-Marocain.
Toujours au taquet, il n’a pas raté une occasion pour balancer une blague, comme lorsque les caméras de 2M sont venues le filmer et qu’il s’est exclamé : « Ah mais c’est pas vous qui êtes déficitaires? Ça ne vous dérange pas de venir m’interviewer et de ne pas être payé ? »
Loin d’être stressé par l’heure du show qui se rapprochait, l’humoriste est revenu avec nous sur la création de La Grande évasion, pièce dans laquelle il partageait la scène le soir même avec ses amis Paul Séré et Wahid Bouzidi. Il évoque également les raisons qui l’ont poussé à mélanger les univers du théâtre et du one-man-show, ainsi que ses prochains projets.
Telquel.ma : Vous clôturez le 8e festival des théâtrales. À quoi doit-on votre présence ?
Booder : Ça s’est fait par le biais de Mehdi Laraki, l’homme à la tête de ce festival, qui travaillait avec mon ami et producteur – celui avec lequel j’ai collaboré pour le festival des MRE – Nabil Jebbari. J’avais suggéré à ce dernier de jouer La Grande évasion à Paris. J’avais déjà présenté la pièce au Marrakech du rire, et c’est lui qui m’a proposé d’en faire une représentation à Casablanca. Pour moi c’était un rêve. J’ai déjà joué un one-man-show ici, et je trouvais ça super de donner une représentation théâtrale dans un pays où le théâtre est la base artistique et culturelle. Le challenge était super intéressant.
Vous venez tous les trois – vous, Paul Séré et Wahid Bouzidi – du one-man-show, et vous vous êtes réunis pour créer cette pièce. Comment la définiriez-vous? Est-ce une œuvre entre le stand-up et le théâtre ?
C’est une pièce de théâtre qui mélange les codes classiques et quelques codes du stand-up. On a fait un check-up de tout ça, regroupé nos savoir-faire, et pris un metteur en scène, Youssef Bouchikhi, qui lui venait du théâtre classique. Le tout a donné La Grande évasion, et on en est très contents. Les règles du théâtre sont là : il y a une histoire qui commence à un point A et se termine à un point B. Il y a aussi le quatrième mur. Après, bien sûr on s’adapte selon le public et l’endroit dans lequel on joue. On rajoute des mots ou on en enlève. Quand il se passe un truc, ça reste un spectacle vivant et on a l’impro facile.
Le titre de la pièce fait référence au film du même nom avec Steeve McQueen. Est-ce un hommage ?
C’est un clin d’œil seulement au niveau du titre. Dans la pièce, on parle surtout de grande évasion culturelle. Le pitch, c’est trois mecs qui se retrouvent en prison à partager une cellule. Deux se connaissent. Un troisième les rejoint. À un moment donné, le directeur leur propose de jouer une scène de théâtre classique devant la ministre de la Justice, qui va venir faire sa ronde annuelle. En contrepartie, ils auront le droit à des allégements de peine et des avantages pour la fin de leur incarcération. Ils seront au départ appâtés par la carotte. Mais à la fin, ils se prendront au jeu et rêveront de devenir comédien.
Vous jouez cette pièce depuis plus de 3 ans, avec à chaque fois un grand succès. Selon vous, est-ce dû à ce mélange des cultures dites élitiste et populaire ?
On a essayé en toute modestie de réunir différents publics. On a écrit la pièce tout d’abord parce que ça nous amusait de nous retrouver tout les trois ensemble sur scène. Au fil du temps, on s’est aperçus que dans la salle on avait réussi à réunir des gens qui ne se disaient pas bonjour dans la rue, comme des spécialistes du théâtre et du one-man-show. Le mélange des deux est exceptionnel et explosif. On a réussi à ramener ces gens-là dans nos salles. Quand les lumières se rallument pour que l’on fasse nos remerciements, on est toujours très contents de retrouver dans la même enceinte des jeunes, des personnes âgées, des gens de la haute bourgeoisie et de la haute banlieusardise.
Parmi ceux qui vont voir votre pièce, il y a donc la « bourgeoisie » qui s’amuse des codes que vous détournez, et les milieux « populaires » qui découvrent ces œuvres ?
Exactement. Pendant la totalité de la pièce, on voit trois lascars en train de répéter des scènes de théâtre classique. Ça passe de Molière à Shakespeare, en passant par Edmond Rostand. C’est très drôle, avec pas mal de situations loufoques. Nous-mêmes, nous nous sommes aperçus en cherchant des textes que ces œuvres étaient indémodables, et qu’ils traitent de sujets encore d’actualité. On joue par exemple un extrait de Cyrano de Bergerac, qui parle un peu de chirurgie esthétique et des gens qui ont besoin d’être beaux. On parle de l‘Avare. Avec les crises économiques que l’on vit, on est en plein dedans. C’est ce qui est marrant : la rencontre de ces mondes redonne goût aux gens de redécouvrir ces œuvres, qu’on a vulgarisé avec des vannes, du verlan et notre manière de parler.
Est-ce qu’il y a une interaction avec le public, comme pour les spectacles de one-man-show ?
Non, pas beaucoup. Ça nous démange. On en a envie de le faire des fois, quand par exemple il y a un rire bizarre dans la salle. Mais on se retient, car on ne veut pas caser les codes du théâtre. On reste très fiers, car depuis la création de cette pièce, elle a beaucoup changé et pris de l’âge.
Est-ce que votre trio va continuer a travailler ensemble à l’avenir ?
Déjà, il faut savoir qu’on est très potes dans la vie. Je ne me vois pas partager la scène pendant 3 ans et demi avec des gens avec qui je ne m’entends pas au quotidien. Les comédiens sont très égocentristes. C’est très « moi je, moi je », surtout quand tu fais du stand-up. C’est moi tout seul sur scène, c’est moi à qui il est arrivé ci, il est arrivé ça. Nous, on a décidé de se retrouver, de jouer un texte et de vivre ensemble sur scène. Si on ne s’appréciait pas dans la vie, je ne suis pas sûr que ça aurait tenu aussi longtemps. On se serait étranglés depuis longtemps. Wahid m’aurait mangé en dessert pendant le mois de ramadan. On fait plein de trucs. On a une web-série qu’on a déjà écrite et tournée, qui va sortir pour le ramadan. Ça s’appelle Ftor mania. On pense à la série qui est né de la grande évasion. Même un film est en train de s’écrire dessus! Je pense qu’on reviendra avec d’autres projets. On a aussi nos stand-ups respectifs, et on arrive tous les trois avec de nouveaux spectacles. Tant que cette pièce se joue, on continue et on reste actifs.
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