Plongée au cœur d'une prison pour femmes au Maroc

Les femmes représentent 2% de la population carcérale au Maroc. 500 d'entre elles purgent leurs peines aux centre pénitenciers pour femmes de Oukacha à Aïn Sebaâ et Toulal 3 à Meknès. Reportage. Derrière l’imposante porte bleue de la prison pour femmes Toulal 3 à Meknes, cohabitent 91 prisonnières. La plupart d'entre elles purgent de courte peines. "Au Maroc, la prison c’est vraiment la honte, encore plus pour les femmes" nous explique une source de la Direction Générale de l'Administration Pénitentiaire et de la Réinsertion (DGAPR). Les délits qu’elles ont commis sont souvent liés à la drogue, de la consommation à la vente. La fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus offre des programmes de formations professionnelles aux femmes emprisonnées, en partenariat avec la DGAPR et l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du  travail (OFPPT). L’initiative, qui vise à se défaire des stéréotypes sur les prisonnières, a été créée pour former les détenues mais aussi pour ne pas leur laisser trop de temps libre pour penser à s’évader ou pour causer des problèmes entre détenues ou entre détenues et fonctionnaires. "Nous offrons des formations de couture et de coiffure pour faciliter la réinsertion des détenues à leur sortie. On leur apprend un métier qui leur permettra de vivre en paix, loin des drogues et loin des crimes", nous explique Atika Errotbi, directrice du centre pénitencier Toulal 3. A l'intérieur de l'aile 10 de la prison d'Oukacha, les murs sont roses, la plupart des tenues des détenues le sont aussi. Comme pour leur rappeler qu'elles sont toujours femmes. Ici, les ateliers de réinsertions sont plus diversifiés qu'a Toulal 3: broderie, couture traditionnelle, coiffure, tapisserie, esthétique, service d'étage et pâtisserie sont les principales activités des prisonnières. "La récréation est finie" nous explique une gardienne. Les condamnées retournent à leurs occupations, dans un silence radio. [caption id="attachment_1583938" align="alignnone" width="1500"] Atelier tapisserie à la prison d'Oukacha. Crédit: Dylan Kuperblum[/caption] Toutes les détenues peuvent suivre les formations, tous crimes commis confondus. Après six mois de formation et un examen final, elles obtiennent un diplôme. A la formation du service d’étage (hôtellerie), Bouchra, la formatrice, nous explique qu’ "en moyenne 90% des femmes réussissent l’examen de fin de formation". Aucune formatrice n'a su nous indiquer le pourcentage de femmes qui avaient réussi à trouver un job à la sortie, grâce à leur diplôme. D'après Bouchra, aucun contact n'est gardé entre formatrices et détenues libérées. Bambin derrière les barreaux

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Prison de Oukacha, Aïn Sebaâ. Crédit: Dylan Kuperblum

Les femmes représentent 2% de la population carcérale au Maroc. 500 d’entre elles purgent leurs peines aux centre pénitenciers pour femmes de Oukacha à Aïn Sebaâ et Toulal 3 à Meknès. Reportage.

Derrière l’imposante porte bleue de la prison pour femmes Toulal 3 à Meknes, cohabitent 91 prisonnières. La plupart d’entre elles purgent de courte peines. « Au Maroc, la prison c’est vraiment la honte, encore plus pour les femmes » nous explique une source de la Direction Générale de l’Administration Pénitentiaire et de la Réinsertion (DGAPR). Les délits qu’elles ont commis sont souvent liés à la drogue, de la consommation à la vente.

La fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus offre des programmes de formations professionnelles aux femmes emprisonnées, en partenariat avec la DGAPR et l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du  travail (OFPPT). L’initiative, qui vise à se défaire des stéréotypes sur les prisonnières, a été créée pour former les détenues mais aussi pour ne pas leur laisser trop de temps libre pour penser à s’évader ou pour causer des problèmes entre détenues ou entre détenues et fonctionnaires. « Nous offrons des formations de couture et de coiffure pour faciliter la réinsertion des détenues à leur sortie. On leur apprend un métier qui leur permettra de vivre en paix, loin des drogues et loin des crimes« , nous explique Atika Errotbi, directrice du centre pénitencier Toulal 3.

A l’intérieur de l’aile 10 de la prison d’Oukacha, les murs sont roses, la plupart des tenues des détenues le sont aussi. Comme pour leur rappeler qu’elles sont toujours femmes. Ici, les ateliers de réinsertions sont plus diversifiés qu’a Toulal 3: broderie, couture traditionnelle, coiffure, tapisserie, esthétique, service d’étage et pâtisserie sont les principales activités des prisonnières. « La récréation est finie » nous explique une gardienne. Les condamnées retournent à leurs occupations, dans un silence radio.

Atelier tapisserie à la prison d'Oukacha. Crédit: Dylan Kuperblum
Atelier tapisserie à la prison d’Oukacha. Crédit: Dylan Kuperblum

Toutes les détenues peuvent suivre les formations, tous crimes commis confondus. Après six mois de formation et un examen final, elles obtiennent un diplôme. A la formation du service d’étage (hôtellerie), Bouchra, la formatrice, nous explique qu’ « en moyenne 90% des femmes réussissent l’examen de fin de formation ». Aucune formatrice n’a su nous indiquer le pourcentage de femmes qui avaient réussi à trouver un job à la sortie, grâce à leur diplôme. D’après Bouchra, aucun contact n’est gardé entre formatrices et détenues libérées.

Au détour d’une devanture de vêtements traditionnels confectionnés par un groupe de détenues, nous rencontrons Sfia*,27 ans, un nourrisson dans les bras. La jeune mère est à Toulal 3 depuis 13 mois. Son fils, Ali* a un an et deux mois et n’est donc pas né en prison, mais y est arrivé à l’âge d’un mois. Sfia est en détention préventive. Impliquée dans une histoire, dont on ne saura pas les détails, avec ses frères, elle attend toujours son jugement. Ses deux frères ont chacun écopé de 15 ans de réclusion. A l’instar de Sfia, 45% des prisonniers au Maroc sont en détention préventive. La procédure est lente, les jugements peuvent prendre quatre voire cinq ans avant d’être livrés.

Sfia regrette que son fils soit contraint de faire ses premiers pas derrière les barreaux. « Mais je n’ai personne dehors pour s’occuper de lui. Ma mère souffre d’Alzheimer ».  Ali n’est pas le seul enfant à grandir en prison avec sa mère. Ils sont quatre à Toulal 3 et douze à Oukacha.  Neuf futures maman sont également en réclusion à Oukacha.

Une cellule pour mères accompagnées de leur enfant. Crédit: Dylan Kuperblum
Une cellule pour mères accompagnées de leur enfant. Crédit: Dylan Kuperblum

Selon la loi, les enfants ont le droit de rester auprès de leur mère jusqu’à l’âge de 3 ans. Ensuite la possibilité de prolonger la durée de 2 ans existe. Les mamans doivent en faire la demande au délégué général de la DGAPR. A l’âge de 5 ans, l’enfant abandonnera la prison et deux possibilités s’offriront à lui : vivre avec sa famille (s’il en a), ou être placé dans une association de protection de l’enfance.

« Que le roi m’accorde la grâce »

Le centre pénitencier de Oukacha n’abrite pas uniquement des détenues marocaines. Une soixantaine d’étrangères sont également condamnées à Aïn Sebaâ. Monique* 47 ans et originaire du Congo Brazzaville est l’une d’entre elles. Son histoire n’est pas anodine. « J’étais en transit au Maroc, du Brésil vers le Congo Brazzaville. Je me suis faite arrêtée en possession de cocaïne et on m’a donné 8 ans de prison. J’ai déjà purgé quatre ans », nous confie-t-elle. Monique a 7 enfants au Congo et n’a pas les moyens de les nourrir: « On m’a proposé ce deal, et j’ai accepté. C’était une erreur ».

La quadragénaire a déjà participé à deux formations de la Fondation Mohammed VI. En 2016, elle a obtenu un diplôme en tapisserie. « C’est le roi en personne qui m’a délivré le diplôme », s’exclame-t-elle fièrement. Depuis, Monique a décroché un diplôme en couture de djellaba. « J’ai fait une erreur et je demande pardon » nous implore-t-elle.

Monique* à l'atelier tissage. Crédits: Dylan Kuperblum
Monique à l’atelier tissage. Crédit: Dylan Kuperblum

Les diplômes que possèdent Monique ne sont valables qu’au Maroc, ce qu’il lui procure l’envie d’être libre et de trouver un travail ici. « Pour pouvoir nourrir mes enfants » explique-t-elle sans lever les yeux du tapis qu’elle est en train de tisser. Comme Monique, la plupart des femmes d’Afrique subsaharienne enfermées à Oukacha sont mères. « J’aimerai que le roi nous accorde la grâce Royale, qu’il ait pitié de nous« , implore-t-elle.

*Les prénoms ont été modifiés

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