Le Maroc, leader africain de la lutte contre la contrefaçon de médicaments?

Lors des deuxièmes Assises du médicament, qui se sont tenues les 23 et 24 février à Skhirat, le Maroc a signé avec une dizaine d'autres pays africains, "La résolution de Rabat" qui engage les signataires à renforcer leurs efforts en matière de lutte contre les médicaments.

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Médicaments (pilules)
Crédit : Frolicsomepl / Flickr.

« La lutte contre les médicaments falsifiés en Afrique« . Tel était le thème des deuxièmes assises nationales du médicament et des produits de santé, organisées à l’initiative du ministère de la Santé les 23 et 24 février dernier à Skhirat.

Pendant deux jours, décideurs, et experts africains et d’autres horizons représentant plus de 16 nationalités se sont réunis en conclave pour débattre du problème des produits pharmaceutiques contrefaits et de ses répercussions sur la santé des citoyens africains.

Plusieurs ministres africains de la Santé, des responsables de l’Union africaine (UA), de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ainsi que des représentants de différentes autorités réglementaires du médicament et de l’industrie pharmaceutique et de la société civile ont pris part à l’évènement.

Un fléau africain

« Selon l’OMS, 42% des médicaments contrefaits produits au niveau mondial sont dispensés en Afrique« , lance Omar Bouazza, directeur des médicaments et de la pharmacie au ministère de la Santé.

Selon les spécialistes, ce commerce cause chaque année des milliers de morts en Afrique. « Le trafic de médicament est un commerce très lucratif, bien plus que le trafic de drogue et d’armes« , poursuit Omar Bouazza. L’OMS avance un chiffre d’affaires mondial de 75 milliards de dollars en 2010.

Lire aussi: Quels sont les mécanismes du marché de contrebande de médicaments au Maroc?

« En Afrique la plupart des médicaments contrefaits viennent de certains pays asiatiques, explique Omar Bouazza. Mais les trafiquants ont aussi implanté des petites unités de production au sein de certains pays« . Les trafiquants profitent alors de la porosité des frontières où les douanes ne contrôlent pas systématiquement les produits.

« Et puis dans certains pays africains, les circuits de distribution ne sont pas vraiment contrôlés et tous les médicaments ne sont pas vendus en officine, mais dans des souks par exemple« , ajoute Omar Bouazza. Il poursuit: « D’autre part, tous les pays ne sont pas dotés d’une réglementation rigoureuse et beaucoup n’ont pas de laboratoire de contrôle pour analyser les produits contrefaits vendus sur le marché. Autant de paramètres qui font du continent africain un terrain propice pour ces trafiquants« .

La contrefaçon de médicaments dans le monde

– 1 médicament sur 10 vendu dans le monde est probablement faux
– 700.000 décès par an sont liés à la contrefaçon de médicaments contre le paludisme et la tuberculose
– Le chiffre d’affaires mondial du trafic de faux médicaments aurait atteint 75 milliards de dollars en 2010
– 1 médicament sur 2 acheté sur Internet en dissimulant son adresse physique serait une contrefaçon ou serait non conforme[/encadre]

Le Maroc veut faire figure de bon élève

Selon Omar Bouazza, le Maroc essaye de se positionner en exemple dans la lutte contre la contrefaçon de médicaments. « Le Maroc ne souffre pas vraiment de ce fléau, car nos circuits de distribution sont bien verrouillés et notre réglementation est rigoureuse, se félicite le spécialiste. Les médicaments sont distribués par des établissements pharmaceutiques, des grossistes et des répartiteurs. Ce sont les pharmaciens d’officine qui dispensent ensuite ces médicaments« .

Lorsqu’on lui rétorque qu’il est aujourd’hui facile de se fournir des médicaments dans les souks ou les épiceries, Omar Bouazza rétorque: « Il ne faut pas confondre la contrefaçon avec le phénomène de la contrebande qui se joue principalement au niveau des zones frontalières où les trafiquants importent des médicaments vendus moins cher dans les pays frontaliers« .

Il y a quelques semaines, Mohamed Ghaouti, président de l’Ordre des pharmaciens, nous affirmait pourtant que la plupart des médicaments qui arrivent par la contrebande de l’Espagne, via Sebta et Melilla, sont souvent des contrefaçons. « Cela rapporte plus d’argent que la contrebande, car cette pratique cible les médicaments chers comme le Viagra, les médicaments contre le cancer ou les médicaments contre les maladies chroniques comme l’hypertension ou le cholestérol« , nous avait-il alors déclaré.

En 2012, le Maroc a été l’un des premiers à signer la convention internationale Medicrime qui exhorte les pays signataires à criminaliser la vente, la distribution et la fabrication des produits falsifiés. « La Loi 16-16 de 2015 dispose que le Maroc a bien adopté cette convention. À partir de là, il y a un délai pour que nous puissions inscrire, au niveau pénal, la nouvelle réglementation avec les sanctions qui vont avec. Nous travaillons actuellement sur ce projet de loi et il sera présenté dans les jours qui viennent« , explique Omar Bouazza. Le Burkina Faso et la Guinée ont eux déjà ratifié cette convention internationale et d’autres pays africains sont en cours de signature, précise-t-il.

Signature de 4 protocoles bilatéraux et une résolution

À l’issue des assises, quatre protocoles d’accords bilatéraux dans le domaine de la santé ont été signés entre le Maroc et le Bénin, le Cap-Vert, le Burkina Faso ainsi que la République centrafricaine. « Ce sont les pays qui n’étaient pas présents lors des premières assises, ces protocoles d’accords bilatéraux avaient déjà été signés lors des premières assises avec 13 pays », explique Omar Bouazza.

Les signataires respectifs de ces accords,  en l’occurrence les ministères de la Santé, s’engagent à coopérer en matière de « politique pharmaceutique, d’enregistrement des médicaments et des produits de santé, de contrôle de la qualité de ces derniers, de système d’approvisionnement en produits pharmaceutiques, de promotion et de production générique, de système de vigilance liée à l’utilisation, d’inspection de la pharmacie, de lutte contre la contrefaçon, de formation des cadres et d’ouverture des marchés en vue de faciliter les échanges commerciaux« , nous précise-t-on.

Dix ministres de la Santé, dont ceux du Sénégal et de la Côte d’Ivoire ont également signé une résolution, baptisée « La Résolution de Rabat » destinée à « renforcer les efforts en matière de lutte contre les médicaments contrefaits ».

Selon Omar Bouazza, le plus important est « d’harmoniser les réglementations au niveau du continent pour faire bloc contre ces réseaux. Car si un pays ne criminalise pas un acte lié à la vente ou la distribution de faux médicaments, on ne peut pas vraiment lutter contre ce fléau« .

Selon le ministre de la Santé burkinabé Nicolas Meda, le protocole d’accord de coopération signé avec le Maroc permettra de « bénéficier de l’expérience marocaine en matière de gestion du cycle du médicament et de distribution des médicaments de qualité« .

Il a notamment mis en avant les mesures prises par le Maroc concernant la lutte contre ce commerce illégal. Au Burkina Faso, « les faux médicaments constituent entre 10 à 30% des médicaments vendus dans le pays« , a-t-il ajouté.

Le ministre sénégalais de la Santé, Diouf Saar, a lui aussi salué l’expérience du Maroc dans ce domaine et exprimé la volonté de son pays de bénéficier de l’expertise du Royaume.

« Le Maroc a une vraie notoriété à l’international avec son laboratoire de contrôle accrédité par la direction européenne de la qualité. Et cette expertise nous a valu une vraie notoriété auprès des différents pays africains. D’ailleurs, le Réseau africain des laboratoires de contrôle, créé lors des premières assises du médicament, a récemment sollicité le Maroc pour que notre laboratoire soit celui de référence« , raconte Omar Bouazza.

« Mais je tiens à préciser que même si nous formons et soutenons ces pays signataires du protocole et de la résolution, il s’agit d’un vrai travail de partage d’expérience et d’accords gagnants-gagnants« , conclut-il.

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