Le coup de gueule de Nadia Salah sur le droit à l'accès à l’information

Invitée au stand du CNDH au Salon du livre le 15 février, la directrice des rédactions du groupe Eco-Médias a fustigé les insuffisances de la loi nationale sur le droit à l'information.

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Crédit : CNDH

L’accès à l’information était au cœur de l’intervention de Nadia Salah, directrice des rédactions du groupe Eco-Médias, jeudi dernier au stand du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) au Salon international de l’édition et du livre (SIEL) de Casablanca.

La journaliste y a été invitée pour commenter librement un article de la Déclaration universelle des droits de l’Homme ou explorer de nouveaux droits, non prévus par celle-ci, mais qui s’imposent aujourd’hui à la communauté internationale.

Un droit nécessaire

Bien que la Déclaration des droits de l’Homme, qui célèbre cette année son 70e anniversaire, ne contienne pas explicitement le droit à l’information, Nadia Salah estime que l’article 19, garantissant à tous « le droit de chercher, de recevoir et de répandre les informations et les idées par quelque moyen que ce soit« , est une porte d’entrée par laquelle on peut « construire et protéger notre droit à l’information« .

La journaliste s’appuie sur plusieurs conventions et accords régionaux et internationaux pour affirmer que l’accès à l’information est un nouveau territoire des droits de l’Homme. L’accès à ce nouveau droit signifie aussi, selon la journaliste, l’introduction du principe de « redevabilité » qui devrait permettre à tout citoyen de demander des comptes aux responsables publics.

Un projet de « loin »

Dans un paragraphe de l’avis du CNDH sur le projet de loi relatif au droit à l’accès à l’information rendu public le 12 août 2016, le rédacteur avait rajouté un « n » à loi. C’est ainsi que l’expression « projet de loi » est devenue « projet de loin ». Une coquille qui n’a pas échappé à Nadia Salah qui a fustigé, avec son mordant habituel, les insuffisances de cette loi récemment adoptée par les deux Chambres.

Pour Nadia Salah, cette « drôle » de faute d’inattention en dit long sur la loi nationale relative à l’accès à l’information: « cette loi nous a éloignés du droit des citoyens à accéder à l’information« , analyse-t-elle. La directrice des rédactions du groupe Eco-Médias regrette que le Maroc ne se soit pas davantage inspiré du projet de loi type pour l’accès à l’information réalisé par l’Union africaine, et « qui est beaucoup plus avancé que ce nous avons eu« .

Évoquant la récente évolution du secteur des médias, ainsi que l’introduction des sites d’information dans le paysage médiatique marocain, Nadia Salah affirme que la loi relative à l’accès à l’information « est un peu maigre par rapport à ce que nous avons aujourd’hui comme développement de l’information« .

« Ce qui m’inquiète le plus, c’est que cette loi dit clairement que toutes les informations sont ouvertes et les ministères doivent être proactifs et les publier eux-mêmes, notamment les informations financières où on a fait des progrès de transparence colossaux en quarante ans« , se réjouit Nadia Salah avant de déplorer que « deux articles plus loin, on dit que les informations financières sont protégées« .

Driss El Yazami en pompier

« Peut-être qu’il y a des informations financières à protéger, je demande à ce qu’on me le prouve. Je demande à être convaincue, car je ne le suis pas maintenant« , poursuit Nadia Salah qui estime que le citoyen doit bénéficier d’une information fiable, mise à jour en permanence, facilement accessible et utilisable pour tous les usages que la liberté de circulation des informations permet.

Pour elle, les administrations publiques devraient avoir l’obligation légale de mettre toutes les informations dont elles disposent en libre accès.

La causticité des critiques de Nadia Salah à l’égard de la loi oblige le président du CNDH, Driss El Yazami, à la rejoindre sur l’estrade: « bien qu’elle soit imparfaite, cette loi vient consacrer un droit constitutionnel pour lequel beaucoup de militants ont bataillé« , explique-t-il.

En rappelant qu' »un droit s’use si on ne l’utilise pas« , le président du CNDH appelle à se saisir des droits qui sont inscrits dans la législation même s’ils sont limités, afin de la faire évoluer. Durant son intervention, Dris El Yazami a insisté sur le rôle des journalistes et leur mission pour créer des espaces de débats publics sains et attirer l’attention sur l’importance stratégique de la loi.

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