“Dames de fraise, doigts de fée”, l’enquête qui donne la parole aux saisonnières marocaines en Espagne

Intitulée “Dames de fraise, doigts de fée”, l’enquête de Chadia Arab sur la migration circulaire des ouvrières saisonnières marocaines en Espagne a été publiée le 10 février.

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Plantation de fraise dans la région de Huelva. Crédit: AFP

Dames de fraises, doigts de fée est le fruit d’une longue enquête menée par Chadia Arab, géographe et chargée de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de Paris.

Dans cet ouvrage, elle retrace l’histoire des saisonnières marocaines qui quittent chaque année le Royaume pour partir à la cueillette des fraises dans la province de Huelva (au sud-ouest de l’Espagne). Une migration saisonnière qui s’inscrit dans le cadre d’un programme mis en place par l’Union européenne et le Maroc à la fin des années 2000.

Le livre évoque également le recrutement exclusif de mères de famille qui a pour but de s’assurer du retour de ces travailleuses saisonnières au Maroc. L’enquête est enrichie de plusieurs témoignages où ces travailleuses parlent de leurs doutes et de leurs appréhensions avant de quitter le royaume. Elles en reviennent changées, trouvent l’amour loin du Maroc ou veulent s’installer en Espagne à l’issue de leurs contrats.

L’ouvrage démontre que le phénomène de la migration circulaire est avant tout l’histoire de femmes ayant la volonté de subvenir aux besoins de leurs familles respectives. Chadia Arab nous raconte ses rencontres avec ces femmes.

TelQuel : Pourquoi cette enquête était-elle si importante à vos yeux ?

Ce travail permet de mettre en avant des femmes dont on ne parle pas beaucoup. Elles-mêmes ont tendance à ne pas trop parler et se rendent, du coup, invisibles.

Cette migration saisonnière est évoquée de façon théorique, mais l’on parle trop peu de l’histoire de ces femmes qui partent et laissent des enfants derrière elles. Je voulais mettre en avant les histoires de ces femmes que nous n’avons pas l’habitude de voir.

Ces saisonnières sont-elles les grandes perdantes de la migration circulaire entre l’Espagne et le Maroc ?

S’il n’y avait pas de bénéfices pour elles, ces femmes ne voudraient pas revenir en Espagne. Tout d’abord leurs conditions de vie s’améliorent grâce à leurs salaires. Cette migration a également un impact sur leur confiance et leur assurance, car elle leur ramène une certaine reconnaissance qu’elles ne parvenaient pas à obtenir auparavant.

Elles rencontrent toutefois des difficultés sur place notamment en termes de conditions de travail éprouvantes d’autant qu’elles ont une mobilité réduite. Il y a donc à la fois du positif et du négatif, mais il faut davantage réfléchir aux droits de ces femmes et améliorer leurs conditions de vie de manière globale.

Quelle approche avez-vous adoptée pour raconter l’histoire de ces saisonnières ?

Il s’agit d’un ouvrage où la recherche est vulgarisée et non pas d’un livre académique. J’ai envie que ce livre soit lu d’une traite et que l’on apprenne à mieux connaître ces femmes. D’ailleurs, l’une d’entre elles a la parole dès l’introduction de l’ouvrage.

Je voulais montrer à quel point elles sont silencieuses, exploitées, mais aussi courageuses et téméraires. Elles arrivent à faire bouger les lignes, se changer elles-mêmes tout en impactant leurs familles et leurs villages d’origines.

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